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25 août 2015 | La Revue POLYTECHNIQUE 08/2015 | Éditorial

Éditorial (8/2015)

Une école pas comme les autres

Située dans le 17e arrondissement de Paris, elle a pour nom «42». Créée en 2013 par Xavier Niel, fondateur de l’opérateur multimédia Free, cette école privée d’informatique sort de l’ordinaire. Dispensant une formation inspirée des changements apportés par l’Internet, misant sur des compétences de haut niveau en programmation et sur la capacité à innover, à voir et penser différemment, elle délivre un diplôme non reconnu par l’Etat.
Son nom est une référence au roman Le Guide du voyageur galactique de Douglas Adams, une œuvre de science-fiction mettant en scène des chercheurs d’un peuple hyper-intelligent, qui construisent le deuxième plus grand ordinateur de tous les temps, afin de fournir la réponse à la «grande question» sur la vie et l’univers. Après sept millions et demi d’années à y réfléchir, surgit enfin la réponse: 42. 
L’école est gratuite. Les frais de fonctionnement des dix premières années, estimés à plus de 50 millions d’euros, sont pris en charge par Xavier Niel. Les candidats doivent avoir entre 18 et 30 ans; pour y entrer, mieux vaut être malin que diplômé. La formation, qui dure trois ans, couvre les différentes disciplines de l’informatique liées au développement. Deux années supplémentaires permettent de réaliser un projet et d’apprendre à créer sa propre entreprise, digne de l’«Uber-économie».
Le succès fulgurant de cette institution réside dans sa modernité et son originalité. Plus de 80’000 candidats ont postulé depuis sa création. La première sélection se fait sur la base d’une série de tests en ligne. La seconde est un examen dantesque et surréaliste, qui plonge les candidats en vase clos dans des épreuves infernales, où les journées de travail de 15 heures sont monnaie courante. Cette ultime sélection porte sur un mois d’évaluations et de travaux pratiques intensifs en code C, le «latin» du langage informatique. Ils sont quelque 900 à se lancer cette année dans cette aventure hors des sentiers battus.
Car cette école ouverte 24 heures sur 24 et sept jours sur sept ne ressemble à aucune autre. Il n’y a ni cours magistraux, ni travaux pratiques encadrés par des professeurs. Les étudiants sont libres d’organiser leur journée comme bon leur semble. Ils s’entraident pour réaliser leurs projets, qu’ils doivent faire corriger par cinq étudiants pour pouvoir les valider. Pas le moindre papier, ni stylo sur les tables. Pour résoudre les problèmes, il faut parler à son voisin ou utiliser l’Internet. L’enseignement est libre, autonome, mais la discipline est plus stricte que dans un camp de boy-scouts; certains la jugent à la limite de la perversité, des caméras filmant en continu tous les espaces.
Ce sont des cracks de l’informatique qui sont formé à l’école 42, une petite armada surdouée vouée à briller dans les startups de la Silicon Valley et à diffuser le mode de pensée atypique et libertaire qui y règne, rappelant l’entrepreneuriat décontracté du patron de Free.
 
par Michel Giannoni