Des abonnements
pour l'enrichissement
25 septembre 2013 | La Revue POLYTECHNIQUE 09/2013 | Éditorial

Éditorial (9/2013)

L’économie, l’écologie et la politique
Une formidable source d’énergie permettant d’assurer à long terme l’indépendance énergétique, de créer de nouveaux emplois, de construire des routes, des logements, des écoles, des hôtels, grâce à un nouveau miracle pétrolier. Une technologie irrespectueuse de l’environnement, une extraction particulièrement compliquée, des dommages environnementaux, la pollution de nappes phréatiques, des secousses sismiques, la prolifération de tours de forage, l’opposition de la population. Eldorado économique ou désastre écologique, à l’instar de Janus, divinité du changement et de la transition, dieu aux deux visages, l’un tourné vers le passé, l’autre vers l’avenir, le gaz de schiste est à la fois le Diable et le Bon Dieu, Dr Jekyll et Mr Hyde.
Depuis peu, de nouvelles techniques de fractionnement donnent accès à des couches de pétrole et de gaz jusque-là inaccessibles. Elles exigent de forer à la verticale et à l’horizontale, puis d’injecter de l’eau sous haute pression pour agrandir les fissures naturelles de la roche. Afin d’empêcher que celles-ci se referment et de faciliter la désorption du gaz, il faut ajouter à l’eau des bactéricides, des lubrifiants, des détergents et du sable, d’où les risques de fuites de méthane et de produits chimiques dans l’environnement.
D’autres techniques d’extraction sont actuellement à l’étude, comme la stimulation par l’arc électrique, le chauffage de la roche ou le remplacement de l’eau par du CO2ou du propane. Cette dernière méthode est la plus avancée, une entreprise canadienne ayant déjà effectué un millier de fracturations expérimentales selon ce procédé.
Depuis l’an dernier, de plus en plus de pays se lancent dans l’exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels. Calqués sur les Etats-Unis, qui ont réussi à augmenter leur production de pétrole de près de 15 %, le Canada, l’Afrique du Sud, la Chine, l’Australie, l’Argentine, le Mexique, ainsi que la plupart des pays d’Europe - hormis la France - se lancent dans l’exploration en entreprenant des forages de prospection, espérant ainsi mettre un terme à leur dépendance vis-à-vis du Moyen-Orient ou de la Russie. 
Et la Suisse, que va-t-elle faire ? A l’heure de la sortie du nucléaire, elle ne peut décemment s’opposer à l’exploration du sous-sol, la recherche de sources géothermiques faisant partie de sa nouvelle stratégie énergétique; tout comme le gaz, qui n’est toutefois pas si innocent vis-à-vis du climat ! L’exploitation du sous-sol étant de la compétence des cantons, et en l’absence d’une règlementation fédérale, Vaud a décrété un moratoire, alors que Fribourg n’a pas renouvelé l’autorisation d’exploitation délivrée à une société privée. Un forage exploratoire a lieu au Val-de-Travers, dans le canton de Neuchâtel, mais il ne concernerait que le gaz naturel. Et si du gaz de schiste s’y trouvait ? Quant au Conseil fédéral, il estime qu’il est urgent d’attendre !
 
par Michel Giannoni