Des abonnements
pour l'enrichissement
09 mai 2025 | La Revue POLYTECHNIQUE | Chimie

Le secret des fumées du conclave : une alchimie de la tradition

Lors des conclaves papaux, les fumées noires ou blanches émanant de la chapelle Sixtine indiquent respectivement l’échec ou le succès d’un vote, mais depuis 2005, ces signaux visuels sont produits par un dispositif pyrotechnique précis, élaboré avec des chimistes pour éviter toute ambiguïté. Deux mélanges distincts assurent la clarté du message : l’un, à base de soufre, charbon et perchlorate de potassium, génère une fumée noire chargée de suie ; l’autre, combinant lactose, dioxyde de titane et poudre métallique, produit une fumée blanche légère et lumineuse. Un double foyer, indépendamment des bulletins brûlés, garantit la lisibilité du message et illustre comment la science peut renforcer une tradition séculaire sans en altérer la portée symbolique.

Lors d’un conclave papal, les fumées émises par la cheminée de la chapelle Sixtine fascinent le monde entier. Noires pour un scrutin infructueux, blanches pour annoncer l’élection du nouveau pape, ces fumées sont bien plus qu’un simple symbole : elles résultent d’un processus chimique soigneusement orchestré.

Un signal codé par la combustion

Historiquement, la fumée provenait de la combustion des bulletins de vote, parfois mélangés à de la paille humide ou d’autres matériaux pour tenter de moduler la couleur. Mais cette méthode manquait de fiabilité et prêtait à confusion. Depuis 2005, un procédé plus rigoureux est utilisé, mis au point par les services techniques du Vatican en collaboration avec des chimistes.

Deux mélanges chimiques distincts

Pour garantir une couleur nette et sans ambiguïté, deux composés pyrotechniques différents sont préparés :

  1. Fumée noire (scrutin négatif)
    Le mélange est conçu pour générer une fumée dense et sombre, contenant :
  • Perchlorate de potassium (KClO₄) : agent oxydant
  • Anthracène ou résorcinol : matière organique combustible produisant de la suie
  • Soufre : pour une combustion lente et enfumée
  • Charbon de bois : renforce la coloration noire

La combustion incomplète de ces composés libère de fines particules de carbone en suspension dans l’air, qui donnent à la fumée sa couleur noire intense.

  1. Fumée blanche (pape élu)
    Elle doit au contraire être légère et blanche, donc exempte de suie :
  • Chlorate de potassium (KClO₃) : oxydant
  • Lactose ou colophane : carburants organiques
  • Poudre de magnésium ou d’aluminium : ajoutée pour augmenter la température et garantir une combustion propre
  • Dioxyde de titane (TiO₂) : pigment blanc en suspension qui réfléchit fortement la lumière

La fumée blanche provient principalement de fines particules solides (aérosols) qui diffusent la lumière, à la manière des nuages.

Un double dispositif

En pratique, les bulletins de vote sont brûlés dans un four spécial, et un second foyer est allumé pour produire la fumée colorée, contrôlée par des dispositifs électroniques. Ce système à deux compartiments évite toute incertitude : la couleur visible résulte uniquement du mélange pyrotechnique et non du contenu des bulletins eux-mêmes.

Une tradition au service de la science

Cette alliance entre rite millénaire et rigueur chimique permet au monde entier d’attendre le résultat du conclave dans une clarté… presque divine. Une belle illustration de la manière dont la science peut servir la tradition sans la trahir.