Une horloge d’exception pour le Parlement vaudois
Cedric Favre
Fruit de cinq années de travail et de la collaboration de plus de 120 apprentis de l’École Technique de la Vallée de Joux, une horloge mécanique unique a été créée et installée dans la salle plénière du Grand Conseil vaudois. Inspirée des régulateurs de précision, elle compte 372 pièces, fonctionne grâce à un poids remonté manuellement chaque mois et a été spécialement conçue pour être silencieuse et s’intégrer à l’architecture du Parlement. Ce projet pédagogique, mené avec le soutien d’enseignants, d’entreprises régionales et d’institutions publiques, incarne la tradition horlogère du canton, la transmission du savoir-faire et l’excellence de la formation professionnelle vaudoise, tout en offrant au Parlement un instrument symbolique et durable pour rythmer ses travaux.
Après plusieurs années de conception et de réalisation, une pièce horlogère unique, fruit du savoir-faire de l’École Technique de la Vallée de Joux (ETVJ), a été installée dans la salle plénière du Grand Conseil vaudois. Conçue et fabriquée par plus de 120 apprentis et apprenties de différentes filières, cette pendule illustre la précision de la tradition horlogère suisse, tout en démontrant l’importance des collaborations entre institutions publiques, formation professionnelle et partenaires économiques.
Un projet né d’un besoin symbolique
Lors de la réouverture du Parlement vaudois en 2017, après sa reconstruction consécutive à l’incendie de 2002, l’absence d’une horloge dans la nouvelle salle plénière avait rapidement été relevée par les députés. Le Bureau du Grand Conseil a souhaité combler ce manque par une pièce créée sur mesure, respectant le cadre architectural et symbolisant le lien entre démocratie et maîtrise du temps. La vallée de Joux, berceau historique de l’horlogerie de précision, s’imposait comme le lieu idéal pour concevoir un tel objet. L’ETVJ, forte de son expérience dans les métiers de la microtechnique et de l’horlogerie, a accepté ce défi, permettant à ses apprentis de travailler sur un projet d’envergure réelle et durable.
Conception et étapes de la fabrication
La réalisation de l’horloge s’est étalée sur plusieurs années, impliquant différentes volées d’étudiants encadrés par leurs enseignants. Le projet a débuté en 2018 par la phase de conception, durant laquelle les élèves dessinateurs en construction microtechnique ont élaboré plus de 200 plans détaillés. Ceux-ci ont ensuite été corrigés et validés par les formateurs avant d’être utilisés pour l’usinage des composants.
Les apprentis micromécaniciens ont fabriqué les pièces du mouvement, souvent en plusieurs exemplaires, pour garantir un niveau de qualité élevé. Cette étape a nécessité de nombreux ajustements entre conception et fabrication, afin d’obtenir une précision conforme aux exigences horlogères. Certaines pièces complexes ont été confiées à des entreprises de la région, qui ont apporté leur savoir-faire spécifique.
La décoration et le traitement de surface des composants ont été réalisés en 2022. Un rhodiage a été appliqué pour protéger les pièces et leur conférer une finition éclatante. L’année suivante, les apprentis bijoutiers ont conçu différents modèles de cadran dans le cadre d’un concours interne. Le projet retenu, inspiré de l’architecture circulaire de la salle plénière, a ensuite été finalisé avec l’aide d’un designer professionnel.
Un mouvement mécanique de précision
La pendule installée au Parlement s’inspire des régulateurs de précision du début du XXe siècle. Son mouvement est entièrement mécanique, alimenté par un poids de deux kilogrammes remonté manuellement une fois par mois. Elle se compose de 372 pièces, dont 168 différentes. Le mécanisme a été conçu pour être silencieux – une exigence particulière compte tenu de l’acoustique sensible de la salle plénière, où le moindre bruit est amplifié.
Le boîtier vitré permet d’admirer les rouages et le balancier en action. Il a été conçu en harmonie avec l’architecture en bois de la salle, en collaboration avec l’architecte Marc Collomb, maître d’œuvre de la reconstruction du Parlement. Les matériaux utilisés sont principalement le laiton, l’acier, l’invar et le titane, choisis pour leur stabilité et leur durabilité.
Des détails esthétiques rappellent le lieu qui accueille cette merveille, comme la plaque décorative adoptant la silhouette stylisée du toit du Parlement ou les petites ouvertures en forme de logo du Grand Conseil, qui permettent d’apercevoir la roue d’échappement.


Une œuvre pédagogique et collaborative
Au-delà de l’objet final, le projet a offert une expérience unique aux apprentis. En participant à toutes les étapes de sa création, de la conception à l’assemblage final, ils ont découvert les réalités d’un projet technique complet, avec ses contraintes, ses aléas et la nécessité de travailler en équipe, en coordination avec plusieurs métiers. Les enseignants ont dû réintroduire des savoir-faire disparus des programmes de formation, comme la fabrication d’une pendule mécanique, tout en intégrant ce travail dans un calendrier scolaire dense.
L’ETVJ a ainsi mobilisé quatre filières de formation : dessin microtechnique, micromécanique, horlogerie et bijouterie. Ce travail a aussi permis de tisser des liens étroits avec l’industrie locale – sept entreprises de la vallée de Joux ayant apporté leur concours –, ainsi qu’avec les institutions publiques et les associations partenaires qui ont soutenu financièrement le projet.
Un financement partagé et maîtrisé
Le projet n’a nécessité aucun crédit supplémentaire de l’État. Le Département de l’enseignement et de la formation professionnelle a pris en charge une partie des coûts de remplacement du formateur encadrant, tandis que le Grand Conseil a financé une brochure retraçant l’histoire et la fabrication de l’horloge. Deux soutiens externes, l’Union des retraités de l’État de Vaud (UREV) et l’Association pour le développement des activités économiques de la Vallée de Joux (ADAEV), ont également contribué au projet. L’École Technique de la Vallée de Joux a assumé l’achat des matériaux dans son budget courant, et les partenaires industriels ont offert leur participation.

Un symbole pour les générations futures
Cette horloge est bien plus qu’un simple instrument de mesure du temps. Elle incarne le patrimoine technique et artisanal du canton, la transmission des savoirs entre générations et l’excellence de la formation professionnelle vaudoise. Installée au cœur du lieu où se prennent les décisions politiques, elle rappelle le lien entre le temps qui s’écoule et l’action publique qui se déploie. Elle témoigne aussi de la capacité d’un projet collectif à fédérer institutions, enseignants, apprentis et entreprises autour d’un objectif commun, avec la volonté de créer une œuvre pérenne et exemplaire.
Les générations futures de députés pourront ainsi s’appuyer sur cette pièce unique, fruit d’un engagement pédagogique et artisanal, pour rythmer leurs travaux et symboliser la maîtrise du temps politique au service du canton.
À propos de l’ETVJ
L’École Technique de la Vallée de Joux (ETVJ) est un établissement public de formation professionnelle situé dans la région horlogère du canton de Vaud, au cœur d’un berceau historique de la haute horlogerie suisse. Elle dispense un enseignement spécialisé dans les métiers de la microtechnique, de l’horlogerie, de la micromécanique, du dessin technique et de la bijouterie. Grâce à des ateliers modernes et à l’encadrement d’enseignants issus du milieu industriel, les apprentis acquièrent un savoir-faire de précision reconnu dans le monde entier, associant tradition artisanale et maîtrise des technologies actuelles.
L’ETVJ entretient des liens étroits avec les entreprises locales, permettant aux élèves de travailler sur des projets concrets et de répondre à de véritables exigences industrielles. Elle joue un rôle essentiel dans la transmission du patrimoine horloger suisse, en formant chaque année une main-d’œuvre hautement qualifiée, indispensable à la pérennité de la région. Des réalisations collectives, comme l’horloge mécanique conçue pour le Grand Conseil vaudois, illustrent l’importance de cette école dans le maintien et l’innovation des savoir-faire techniques.
Chiffres clés
- Nombre total de composants : 372
- Nombre de composants différents : 168
- Nombre de plans : plus de 200
- Nombre d’élèves ayant participé au projet : plus de 120
- Nombre de métiers sollicités : quatre (dessin microtechnique, micromécanique, horlogerie, bijouterie)
- Entreprises locales qui ont collaboré au projet : sept