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15 mars 2017 | La Revue POLYTECHNIQUE 01/2017 | Automatisation

IoT – l’Internet des objets

Edouard Huguelet

Cet article est inspiré du cours «Internet des objets (IoT)» organisé par la FSRM (Fondation suisse pour la recherche en microtechnique). Il s’agit d’un nouveau cours qui sera réédité annuellement et qui a pour enseignant Jean-Dominique Decotignie, ingénieur électricien, Dr ès sciences et responsable du groupe «Systèmes embarqués sans fil» au CSEM.
La presse spécialisée et désormais également les medias grand public traitent le thème de l’«Internet des objets», ou «IoT» (Internet of Things), selon l’abréviation désormais consacrée. Les concepteurs de systèmes sont toujours plus souvent confrontés à cette nouvelle approche de l’automatisation, qui est par ailleurs en phase avec les objectifs du concept «Industrie 4.0». Qu’en est-il en fait ?

Ce cours de la FSRM a pour but de sensibiliser les participants – en principe des ingénieurs actifs dans la conception – en apportant des réponses à quelques questions. Qu’est-ce que l’IoT et en quoi la communication entre objets implique-t-elle de nouvelles approches ? Quelles sont les solutions proposées et comment opérer son choix dans la pléthore d’offres de prestataires de services ? Que peut-on faire et que ne doit-on pas faire aujourd’hui ? Et finalement, quelles sont les prévisions d’évolution de l’IoT ?
Jean-Dominique Decotignie déclare: «En fait, il y a deux aspects nouveaux de l’IoT. Le premier est le fait qu’un objet peut avoir une représentation (ou image) virtuelle accessible à d’autre ordinateurs. Le deuxième est que ces objets peuvent nous fournir des informations sur leur environnement et agir sur celui-ci».
 
Source: http://blog.westmonroepartners.com
 
 

Une bonne définition de l’IoT
Actuellement, nous trouvons sur le marché des étiquettes de radiofréquences (RFID) qui permettent l’identification et la mesure. Nous avons des capteurs et actionneurs reliés en réseaux. À noter également de petits capteurs électroniques à faible coût appelés «beacon», qui permettent, par exemple, de localiser des smartphones dans un rayon de quelques dizaines de mètres.
Voici une bonne définition de l’IoT, émanant de l’IETF (Internet Engineering Task Force – www.iets.org): «L’idée fondamentale est que l’IoT connectera les objets qui nous environnent (électroniques, électriques, non électriques) pour assurer une communication homogène et les services contextuels qu’ils fournissent. Le développement des étiquettes RFID, capteurs, actuateurs et téléphones portables, permettent de réaliser un IoT qui interagit et coopère, pour améliorer le service, est accessible en tout temps et tout lieu».
 
Différentes architectures de mise en réseau
Dans le jargon technique, on appelle familièrement «bidules» les objets connectés, la plupart du temps miniaturisés. Ils ont pour caractéristique l’incorporation d’un élément de communication de complexité variable, géré, par exemple, par un processeur, comme de minuscules micro-ordinateurs monocarte de type Raspberry dont le modèle Zéro revient à peu près au prix d’un café-crème à la Bahnhofstrasse, mais qui permettent néanmoins de traiter l’information et d’échanger des données entre eux, avec des ordinateurs ou des êtres humains. Les objets connectés, dotés de capteurs les reliant au monde physique, sont fixes, mobiles ou embarqués.
L’architecture d’un réseau d’objets connectés peut revêtir plusieurs formes: l’architecture centralisée globale, par exemple, où toute la communication entrant et sortant s’effectue par l’intermédiaire des grands serveurs (cloud), ou par des serveurs décentralisés, qui reçoivent l’information, la stockent, la traitent et déterminent ce qui doit être envoyé. Dans ce dernier cas, il s’agit de ce que l’on appelle le «fog computing*» ou «edge computing». Autre forme d’architecture: le mode «peer-to-peer» où l’interaction se fait directement entre plusieurs objets, un peu à limage d’un vol d’oies sauvages. Finalement, en mode coopératif, plusieurs entités s’associent pour réaliser des tâches communes, comme le font les fourmis.
La gestion des dispositifs comprend plusieurs aspects, en particulier l’installation, la configuration et le test des objets, l’enregistrement, l’observation de leur état, les modifications de paramètres et la mise à jour des micro-logiciels qui les équipent.
 
L’Internet des objets concerne tous les aspects de la vie.

Source: https://pixabay.com

 
 

Les objets connectés
Les objets connectés sont en fait des transducteurs (capteurs ou actionneurs); en d’autres termes, ce sont des interfaces avec le monde physique. Ils traitent les données par filtrage, annotation et les échangent en réseau. Ils peuvent être configurés et mis à jour à distance. Ils peuvent émettre en continu ou comporter un mode de veille active, émettant dans ce cas de brefs signaux périodiques qui signalent qu’ils sont toujours opérationnels.
Les données elles-mêmes (syntaxe, sémantique) sont enrichies d’attributs: étiquette d’identification, géolocalisation, coordonnées temporelles. Elles sont traitées, le cas échéant, par des algorithmes en arrière-plan ou directement implantés dans l’objet. Des objets de différentes provenances et aux fonctions diverses peuvent coopérer, ce que l’on appelle l’interopérabilité. Ils doivent alors pouvoir se comprendre.
La partie traitement de l’information et communication des «bidules» doit être miniaturisée au maximum et conçue pour recevoir et émettre de l’information. Dotés d’une «intelligence» embarquée, les objets assument des fonctions comportant divers degrés de complexité. Leur alimentation est en principe autonome (ce qui pose en particulier la question de la durée de vie des batteries). Ils sont, en outre, disposés dans des milieux fort variés et parfois difficiles. Les données en provenance des objets sont souvent impropres à l’analyse, et ceci pour des questions de format de données, de précision et de datation. Les données doivent donc être nettoyées (filtrées) pour être propres à l’analyse et au traitement.
Pour ce qui est de la consommation d’énergie, on trouve des processeurs fonctionnant avec moins de 1 mA (radio: de l’ordre de 5 mA en réception et 15 mA en émission). L’énergie consommée par les fonctions des capteurs est très variable. Jean-Dominique Decotignie précise: «Pour tenir plusieurs années sur une pile, il faut consommer une moyenne de quelques dizaines de microampères, ce qui implique que les bidules doivent avoir un taux d’activité très faible, tout en étant capables de fournir l’information à temps, ce qui représente un défi».
 
Le paysage actuel des pourvoyeurs de solutions IoT.

Source: Firstmark.

 
 

Toujours en nombre croissant
La bataille des fournisseurs d’accès aux réseaux est âpre et ne fait que commencer, car le marché est prometteur. L’Internet des objets est en partie responsable d’un accroissement exponentiel du volume de données générées sur le réseau; elle est à l’origine du «big data» (données massives).
Selon une équipe de l’École polytechnique fédérale de Zurich, d’abord du fait des smartphones et maintenant en raison du nombre croissant d’objets connectés, on estime que plus de 150 milliards d’objets sont connectés entre eux, avec l’Internet et avec plusieurs milliards de personnes (source: Wikipedia). Pour pouvoir en tirer des informations exploitables, la masse de données devra de plus en plus être filtrée par des algorithmes complexes, ce qui fait craindre un affaiblissement de la protection des données personnelles, une information sur les personnes et la société de moins en moins sous contrôle, notamment en cas d’appropriation exclusive de filtres numériques par des entités gouvernementales ou privées, qui pourraient alors manipuler les décisions. Selon une étude de McKinsey, il pourrait y avoir quelque 2700 milliards d’objets connectés d’ici dix ans.
 
La transmission et la sécurité
Le spectre des radiofréquences est très chargé (téléphonie cellulaire, télécommunications, GPS, etc.). L’attribution des bandes de fréquences est orchestrée par les autorités de régulation des différents pays. À noter les standards CEI, ISO, IEEE (au niveau mondial) et les régulations FCC, ETSI (pour l’Europe), etc. Exemples: EN 300.328 (2,4 GHz), EN 300 400 (868 MHz), chap. 15 (FCC). La communication s’effectue en utilisant des bandes dites «libres d’utilisation», mais limitées en termes de puissance, de rapport cyclique et de largeur de bande. Pour l’IoT, on utilise fréquemment en Europe la bande de 863 à 870 MHz. Il existe de nombreux pourvoyeurs d’accès pour l’IoT.
Les problèmes de sécurité relatifs à la transmission lors du transfert de l’IoT ne sont ni moins ni plus élevés qu’avec les ordinateurs, les téléphones portables ou les tablettes. Les données sont cryptées lors du transfert. Le problème, en l’occurrence, ce n’est pas le cryptage lui-même, mais bel et bien la gestion des clés de cryptage. Il faut aussi noter que la préservation de la sphère privée est également importante.
 
L’aspect de la sécurité.

Source: www.objeko.com

 
 

Les défis de la sécurité
Voici un fait récent: une équipe de chercheurs a réussi à reprogrammer un stimulateur cardiaque (pacemaker) pour le faire s’arrêter et générer des stimuli électriques potentiellement fatals. Un même genre d’attaque peut s’appliquer à des engins radio-contrôlés, comme des drones ou de futurs véhicules automobiles sans chauffeur, par exemple.
Outre les attaques délibérées (espionnage, piratage, modification intentionnelle des informations, maliciels, rançongiciels, vol de données, etc.), il existe des menaces accidentelles, telles qu’erreurs, omissions, fichiers avariés ou détruits par mégarde, routage défectueux ou accidents physiques. D’autres menaces ont pour origine des causes environnementales, telles que des coupures de réseau, la foudre, les inondations, les incendies…
Comme pour les autres systèmes informatiques, les mesures de protection comprennent, en premier lieu, le cryptage des données, les signatures numériques d’authentification et les clés de contrôle d’accès. Il y aussi les anti-virus (qui valent ce qu’ils valent !) et les modules à redondance active. «Par rapport au monde informatique classique, la difficulté provient essentiellement du grand nombre des ressources en calcul et en énergie, ainsi que de l’absence d’interface homme-machine dans les bidules», conclut Jean-Dominique Decotignie.
 

* voir aussi La Revue Polytechniqueno.11/2016, pages 19 à 21.

 
L’enseignant
Jean-Dominique Decotignie, ingénieur électricien, Dr ès sciences, est responsable du groupe «Systèmes embarqués sans fil» au CSEM. Pionnier des bus de terrain en Suisse, il travaille depuis de nombreuses années dans le domaine des télécommunications, tant du point de vue pratique que théorique. Il est aussi professeur à la faculté Informatique et Communications de l’EPFL et auteur de nombreuses publications dans le domaine. Ses travaux sur les bus de terrain lui ont valu la distinction de Fellow de l’IEEE.
 
 
Un mot sur la FSRM
La FSRM – Fondation suisse pour la recherche en microtechnique a été formellement créée le 9 mai 1978 par la Confédération, les cantons, des villes, des associations professionnelles et 24 entreprises. C’est une fondation de droit privé. Sa mission consiste à promouvoir la microtechnique et ses applications. Dès 1984, ses laboratoires ont été transférés, ainsi que les chercheurs, au CSEM nouvellement créé. Désormais, sous la houlette de Marcel Écabert, le virage est pris pour une orientation vers la formation continue et la gestion événementielle, comme l’organisation du «World Micro Machine Summit» à Montreux en 1996, par exemple. Les cours pour l’industrie ont démarré en 1997. Actuellement dirigée par Philippe Fischer, la fondation compte une dizaine de collaborateurs.
 
FSRM
2000 Neuchâtel
Tél.: 032 720 09 00

www.fsrm.ch