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08 mai 2020 | La Revue POLYTECHNIQUE 03/2020 | Télécommunications

La 5G pour les nuls : première partie

Cedric Favre*

Entre polémiques et peurs de l’avenir, la presse grouille d’informations souvent contradictoires. La Revue POLYTECHNIQUE vous propose un pas en arrière en expliquant techniquement ce qu’est la cinquième génération de téléphonie mobile (5G).
L’histoire des télécommunications sans fil commence en 1794, quand Claude Chappe met au point le télégraphe optique. Deux tours d’observations éloignées de plusieurs dizaines de kilomètres s’échangent des messages codés par les différentes positions d’un bras articulé placé en haut de chacune d’elles.

Il faudra attendre la fin du XIXe siècle et la découverte des ondes électromagnétiques par le physicien allemand Heinrich Hertz, pour que se développe la transmission d’informations sans fil. Ces ondes avaient été prédites quelques années auparavant par le physicien écossais James Clerk Maxwell.
Une progression fulgurante
Au cours des vingt dernières années, après la radio et la télévision, le téléphone a d’abord lâché son fil à la maison pour devenir mobile, nos ordinateurs communiquent aujourd’hui via le Wi-Fi. Début 2018, le monde comptait plus de quatre milliards d’utilisateurs d’Internet et plusieurs millions de courriels sont envoyés chaque seconde. Et ce n’est pas fini ! L’Internet des objets (IdO ou IoT en anglais) se développe et part à l’assaut de nouveaux secteurs, comme la domotique, la santé connectée, l’usine du futur ou les véhicules autonomes.
La fin des années 1990 sonne le début de l’ère des téléphones portables, le réseau dit « 2G » (ou GSM) est lancé. Il permet de transmettre la voix, mais aussi des données numériques comme les SMSLes réseaux GPRS et EDGE offrent un accès à l’Internet, mais avec un très bas débit. Ils permettent déjà l’envoi des premiers messages multimédias.
La 3G se commercialise au début des années 2000. Le débit est alors plus rapide que pour la 2G et les téléphones peuvent accéder à l’Internet beaucoup plus rapidement, y compris en mouvement.
Position d’antennes 5G sur un mat. (source : twitter.com)
De plus en plus de protocoles
Le High Speed Packet Access (HSPA), aussi appelé 3G+ dans sa dénomination commerciale, est l’association de deux protocoles utilisés en téléphonie mobile pour améliorer les performances obtenues avec la 3G UMTS : le High Speed Downlink Packet Access (HSDPA) et le High-Speed Uplink Packet Access (HSUPA).
Le LTE (Long Term Evolution) est une évolution des normes de téléphonie mobile GSM/EDGE, et UMTS. La norme LTE, définie par le consortium 3GPP1, a d’abord été considérée comme une norme de troisième génération « 3.9G », car proche de la 4G. En octobre 2010, l’Union internationale des télécommunications (UIT) a reconnu la technologie LTE-Advanced comme une technologie 4G à part entière.
Le LTE utilise des bandes de fréquences hertziennes d’une largeur pouvant aller de 1,4 MHz à 20 MHz, dans une plage de fréquences allant de 450 MHz à 3,8 GHz selon les pays. Il permet d’atteindre, pour une bande passante de 20 MHz, un débit binaire théorique de 300 Mbit/s en « liaison descendante » (downlink) vers le mobile.
De la 4G à la 5G
En 2012, la 4G fait son entrée en Suisse. Le débit maximal est multiplié par cent, ce qui permet le développement des objets connectés et des réseaux sociaux.
Le déploiement du réseau 5G a commencé en 2019 . Une fois réalisé, il constituera une véritable rupture technologique, présentant de nombreuses innovations. Il aura un débit dix fois plus important que celui de la 4G et le temps d’acheminement des données sera beaucoup plus court qu’actuellement (jusqu’à 1 ms, contre 10 ms). La 5G occupera des bandes de fréquence comprises entre 800 MHz et 56 GHz. Les fréquences les plus hautes appartiennent au domaine des ondes millimétriques (30 à 300 GHz).
À ces fréquences, l’atténuation des ondes avec la distance parcourue est plus importante, mais les antennes sont plus petites que celles utilisées pour la 4G. Dans un même espace, il sera donc possible d’en associer beaucoup plus pour augmenter la puissance reçue (ou émise) dans certaines directions et ainsi, suivre plusieurs utilisateurs mobiles, tout en limitant les interférences. Il faut cependant noter que l'utilisation des ondes millimétriques pour les réseaux de la téléphonie mobile n'est actuellement pas autorisée en Suisse.
Évolution dans les plages de fréquences
Le GSM (Global System for Mobile Communications) utilise la bande 880-915 MHz pour l’envoi de la voix ou des données depuis le mobile et la bande 925-960 MHz pour la réception des informations venant du réseau. Le GSM 1800 utilise la bande 1710-1785 MHz pour l’envoi des données depuis le terminal mobile (upload) et la bande 1805-1880 MHz pour la réception des informations (download).
Le General Packet Radio Service ou GPRS est une norme (protocole réseau) pour la téléphonie mobile dérivée du GSM et complémentaire de celui-ci. Il permet d’assurer un débit de données plus élevé. On le qualifie souvent de 2,5 G ou 2 G+. Le G est l’abréviation de génération et le 2,5 indique que c’est une technologie à mi-chemin entre le GSM (deuxième génération) et l’UMTS (troisième génération).
Le GPRS est une extension du protocole GSM. Plus adapté à la transmission des données, il y ajoute la transmission par paquets. En effet, les ressources ne sont allouées que lorsque des données sont échangées, contrairement au mode « circuit » en GSM où un circuit est établi – et les ressources associées – pour toute la durée de la communication. Le GPRS a ensuite évolué au début des années 2000 vers la norme EDGE, également optimisée pour transférer des données. Elle utilise les mêmes antennes et les mêmes fréquences radio.
Les contenus mobiles de plus en plus graphiques et de plus en plus orientés vers la vidéo, poussent à une évolution technique, car les débits fournis pour les transferts de données par le GSM, deuxième génération de mobiles, sont insuffisants. L’évolution directe depuis un réseau GSM vers un réseau UMTS (dit de troisième génération ou 3 G) étant coûteuse, les opérateurs ont cherché des alternatives et l’une d’entre elles est l’EDGE (Enhanced Data Rates for GSM Evolution), présentée comme la génération 2,75G. Faisant partie des solutions 3G de l’UIT, elle est considéré comme une technologie pré-3G.
Répartition des ondes entre la 4G et la 5G. (Source : Mieux Prévenir)
La norme EDGE
La norme EDGE a l’avantage de pouvoir rapidement s’intégrer aux réseaux GSM existants. En émission, un mobile EDGE – à l’instar d’un GSM – émet donc dans des bandes de fréquences qui, selon les opérateurs, occupent 5 à 12,5 MHz dans la bande s’étendant de 876 à 915 MHz (uplink). En réception, les bandes de fréquences allouées s’étendent de 921 à 960 MHz (downlink). Pour un opérateur donné, il y a 30 à 40 MHz de séparation entre le canal d’émission et le canal de réception (séparation duplex). La latence a été diminuée par deux pour l’intervalle de transmission (Transmission Time Interval), en le passant de 20 ms à 10 ms).
L’UMTS
L’Universal Mobile Telecommunications System (UMTS) est l’une des technologies de téléphonie mobile de troisième génération (3G). C’est une technologie de téléphonie cellulaire, dont la partie radio (UTRAN) repose sur la technique d’accès multiple W-CDMA, dite à étalement de spectre, alors que l’accès multiple pour le GSM se fait par une combinaison de multiplexage temporel TDMA et de multiplexage fréquentiel FDMA.
Une amélioration importante de l’UMTS par rapport au GSM consiste, grâce à une nouvelle technique de codage, en la possibilité de réutiliser les mêmes fréquences dans des cellules radio adjacentes et, en conséquence, d’affecter une largeur spectrale plus grande à chaque cellule (5 MHz), alors qu’en GSM, les cellules radio adjacentes doivent utiliser des bandes de fréquences différentes (facteur de réutilisation variant de 1/3 à 1/7). Ceci implique, en GSM, de diviser et répartir les fréquences attribuées à un opérateur entre plusieurs cellules radio.
Antennes et cellules
La télécommunication mobile fonctionne selon le principe du réseau cellulaire. Chaque cellule possède une station de base qui assure la liaison, par ondes hertziennes, avec le téléphone mobile situé à proximité, ou à l’intérieur de sa cellule. Une station de base est constituée d’une unité de commande et de plusieurs antennes émettrices/réceptrices, généralement fixées à un pylône. Ces stations sont reliées à une centrale par une ligne téléphonique conventionnelle ou par faisceaux hertziens. C’est de là que partent les conversations que la station transmet au téléphone mobile, et c’est là qu’aboutissent les conversations provenant d’un téléphone mobile. Lorsqu’un portable quitte une cellule, la liaison s’établit automatiquement avec la station adjacente.
Les rayonnements électromagnétiques
La station de base et les téléphones mobiles émettent et reçoivent des rayonnements électromagnétiques. Il s’agit d’oscillations électriques et de champs magnétiques qui se propagent par mouvements ondulatoires à la vitesse de la lumière. Les rayonnements électromagnétiques existent dans notre environnement naturel et technique sous différentes formes : la lumière visible, les rayons X et ultraviolets, les rayonnements thermiques, tous appartiennent au spectre électromagnétique, tout comme les ondes radio, les micro-ondes, ainsi que les champs électriques et magnétiques des chemins de fer et des installations d’alimentation électriques.
Au niveau physique, ces rayonnements diffèrent uniquement par leur fréquence. Les signaux radioélectriques utilisés dans la télécommunication mobile émettent des rayonnements à haute fréquence. Actuellement, on utilise des gammes de fréquences de 700 et 3800 MHz, qui se situent entre celles d’un émetteur de télévision et celles de la bande de 5 GHz d'un point accès WiFi.
Les groupe d’antennes
Selon l’Ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI), un groupe d’antennes comprend toutes les antennes émettrices fixées sur un mât, sur un toit ou sur la façade d’un bâtiment.
Le périmètre d’un groupe d’antennes est une surface horizontale formée par les cercles de rayon r autour de chaque antenne du groupe. La valeur du rayon r, exprimée en mètres, se calcule selon la formule :
où :
  • F est le facteur de fréquence, qui vaut :
    • 2,63 pour les groupes d’antennes qui émettent exclusivement dans la gamme de fréquence autour de 900 MHz ou dans des gammes de fréquence plus basses ;
    • 1,76 pour les groupes d’antennes qui émettent exclusivement dans la gamme de fréquence autour de 1800 MHz ou dans des gammes de fréquence plus élevées ;
    • 2,10 pour tous les autres groupes d’antennes ;
  • ERP90 : ERP cumulée, exprimée en watts, est la puissance émise par les antennes d’un groupe d’antennes dans un secteur azimutal de 90°. Le secteur azimutal déterminant est celui dans lequel est émise l’ERP cumulée la plus élevée.
Soixante et un réseaux commerciaux 5G dans trente-quatre pays
En janvier dernier, près de 10 % de tous les opérateurs LTE avaient déployé la 5G et près de 8 % l’ont lancée. À la fin de 2019, 348 opérateurs dans 119 pays avaient annoncé qu’ils investissaient dans la 5G. Septante-sept opérateurs ont annoncé avoir déployé la technologie 5G conforme 3GPP dans leurs réseaux.
Au total, 61 opérateurs dans 34 pays ont lancé un ou plusieurs services 5G compatibles avec le projet 3GPP (3rd Generation Partnership Project).
On trouve dans ces projets pilotes, les États-Unis (opérateurs AT&T et Verizon), les Émirats arabes unis (Etisalat), la Corée du Sud (MG Uplus et SK Telecom), le Lesotho (Vodacom), le Quatar (Ooredoo), mais aussi l’Europe, avec l’Italie (Fastweb et TIM), l’Estonie et la Finlande (Elisa).
L’un des premiers téléphones mobiles. (Source : www.futura-sciences.com)
Compatibilité avec les téléphones actuels
À la mi-décembre dernier, le GSA (Global mobile Suppliers Association) a identifié 199 appareils 5G annoncés. Quarante-sept d’entre eux sont déjà commercialisés et vingt autres le seront d’ici le mois de juin. Sur ce total, on compte 63 smartphones, dont 29 sont déjà commercialisés.
Autres émetteurs d’ondes électromagnétiques
Plusieurs sources peuvent générer des ondes électromagnétiques. Nous en dressons ci-après une liste non exhaustive.
Chemins de fer
Les champs magnétiques des installations de lignes de contact sont sujets à de fortes fluctuations. Les locomotives qui accélèrent ou freinent augmentent le flux de courant, renforçant ainsi le champ magnétique. Plus le nombre de trains circulant sur une ligne est important, plus la charge est élevée.
Transfert d’énergie sans fil pour les véhicules électriques
Les systèmes de transmission d’énergie sans fil comportent de nombreux avantages. Il est donc possible qu’ils soient bientôt privilégiés pour recharger les batteries des véhicules électriques. Étant donné que ces systèmes produisent de forts champs électromagnétiques, il est impératif de limiter ceux-ci à des zones non accessibles, sous les véhicules.
Installations photovoltaïques
Les installations photovoltaïques émettent des champs électriques et magnétiques dans différentes gammes de fréquence. Les recherches effectuées dans la littérature spécialisée, ainsi que des mesures et études théoriques montrent que, par rapport aux valeurs limites fixées dans l’Ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant, les ondes électromagnétiques de ces installations sont minimes dans les lieux de séjour habituels de l’être humain.
Appareils électriques domestiques
Dans la plupart des logements, l’électrosmog est généré par les ménages eux-mêmes, qui utilisent des fours à micro-ondes. Dans ce domaine, les gens sont donc à même de réduire sensiblement leur exposition en appliquant des mesures simples. Par exemple, les appareils électriques fonctionnant en permanence, comme les radioréveils, ne doivent pas être placés à proximité d’endroits où des personnes séjournent pendant des heures.
Pour l’Office fédéral de la santé publique, le rayonnement moyen mesuré pour les fours défectueux est de 0,41 mW/cm2.
Réseaux Wi-Fi
Les fréquences utilisées par les réseaux Wi-Fi (2,4 et 5 GHz) sont de type micro-ondes, dénomination générale indiquant que la longueur d’onde se trouve dans la gamme allant de 30 cm à 1 mm, incluant également les téléphones sans fil de type GSM ou domestique, le Bluetooth et bien d’autres technologies.
Les rayonnements des réseaux sans fil Wi-Fi (aussi nommés WLAN) sont omniprésents, pour les raisons suivantes :
  • accès à l’Internet dans les foyers, les bureaux, les usines, les hôpitaux, les écoles, les bibliothèques, les hôtels, les restaurants, les transports..., ainsi que dans les réseaux Wi-Fi publics (hot spots);
  • connexions sans fil d’imprimantes, de scanneurs et de certains autres appareils ;
  • certaines applications de téléphonie VoIP (Voice over Internet) ;
  • transmission sans fil de télévision et radio à la maison en utilisant un routeur multimédia ;
  • certaines consoles de jeux.
Tableau 1
Normes suisses et internationales
En Suisse, l’Ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI) régit principalement la limitation des émissions des champs électriques et magnétiques générées par des installations stationnaires, dans une gamme de fréquence allant de 0 Hz à 300 GHz (rayonnement).
Un certain nombre d'organisations nationales et internationales, notamment la Commission internationale pour la protection contre les rayonnements non ionisants (www.icnirp.org), ont élaboré des directives ou des recommandations fixant des limites à l'exposition aux champs électromagnétiques dans l'environnement résidentiel ou professionnel.
Valeurs limites
La valeur limite d’une installation, pour sa valeur efficace de l’intensité de champ électrique est de :
  • 4,0 V/m pour les installations qui émettent exclusivement dans la gamme de fréquence autour de 900 MHz ou dans des gammes de fréquence plus basses ;
  • 6,0 V/m pour les installations qui émettent exclusivement dans la gamme de fréquence autour de 1800 MHz ou dans des gammes de fréquence plus élevées ;
  • 8,5 V/m pour les émetteurs à ondes longues et à ondes moyennes ;
  • Entre 3,0 et 5,0 V/m pour toutes les autres installations.
Tableau 2 : f est la fréquence exprimée dans l’unité qui figure dans la première colonne du tableau.(ORNI)
Ces valeurs limites d'installations sont des valeurs de précaution qui sont basées sur la loi pour la protection de l'environnement. Elles doivent être respectées dans des lieux dits à utilisation sensible (appartement, bureaux, etc.). Elles sont d’un facteur 10 plus bas que la valeur limite d'immissions qui, elle, est valable pour tout endroit accessible par le au public.
Le projet 3GPP
Le projet 3GPP (3rd Generation Partnership Project) est une coopération entre organismes de normalisation en télécommunications, tels que l’UIT (Union internationale des télécommunications), l’ETSI (Europe), l’ARIB/TTC (Japon), le CCSA (Chine), l’ATIS (Amérique du Nord) et le TTA (Corée du Sud). Le 3GPP produit et publie les spécifications techniques pour les réseaux mobiles de 3e (3G) et 4e générations (4G). Il assure, par ailleurs, la maintenance et le développement de spécifications techniques pour les normes mobiles de la famille GSM, notamment pour le GPRS, l’EDGE, l’UMTS, le LTE et le LTE Advanced et la 5G.
Sources
  • Office fédéral de l’environnement (OFEV)
  • Office fédéral de la santé publique (OFSP)
  • Ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI)
  • Rapport technique du groupe de travail interdisciplinaire « Téléphonie mobile et rayonnement »
  • www.ne.ch › SENE › Documents › rayonnement et santé téléphonie
Fin de la première partie
 
Dans le prochain numéro de La Revue POLYTEHNIQUE, le lecteur trouvera un rappel des bases en télécommunication :
• Les ondes électromagnétiques
• Le taux de transfert
• La puissance d’émission
• Le rayonnement
• Les ondes électromagnétiques
• L’électrosmog
• Et les lieux à utilisation sensibles

*Ingénieur en télécommunication, Issu de la Haute Ecole d’ingénierie de Suisse occidentale HEIG-VD, Ingénieur de sécurité CFST