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27 septembre 2017 | La Revue POLYTECHNIQUE 06/2017 | Énergie & Environnement

La cartographie en 3D: en tandem, c’est mieux

Dans le cadre d’un projet européen, des chercheurs de l’EPFL ont développé́ les éléments terrestres et aériens pour cartographier en tandem des espaces et des villes: un drone équipé́ d’instruments de télédétection et d’un système de navigation, de guidage et de contrôle, couplé à un véhicule terrestre possédant un système de navigation en temps réel.
Aujourd’hui, une bonne cartographie de haute résolution en 3D est le plus souvent fastidieuse, chère et longue. Un véhicule scanne l’environnement du ras des pâquerettes au faîte des toits ou des arbres; un drone complète le tableau avec une perspective aérienne. L’idée originale du projet européen mapKite consiste à réaliser la cartographie en opérant en tandem avec le véhicule terrestre et le drone.
Au sein du consortium mapKite*, financé par le programme H2020, des chercheurs de l’EPFL ont développé́ des éléments essentiels pour réaliser cette avancée technologique, notamment la cible ainsi que d’autres éléments technologiques qui permettent au drone de «s’accrocher virtuellement» au véhicule.
Le tandem formé du drone et du véhicule. (Crédit: ©Jan Skaloud/EPFL)

 

Les lacunes des systèmes actuels
L’intérêt du mariage de la cartographie terrestre et aérienne est mis en lumière lorsqu’on rappelle les lacunes des systèmes actuels. Pour représenter, par exemple, un long couloir tel qu’une route, un fleuve ou une voie de chemin de fer, le drone est obligé de procéder par segments et avec des appuis au sol. Pour des questions de régulation, il doit en effet rester dans la ligne de mire de l’opérateur et pour assurer une excellente précision d’orientation de ses capteurs, il a besoin de «voir» un certain nombre de cibles de contrôle.
Autre faiblesse: la cartographie aérienne d’environnement mal texturé (neige, sable, eau...) exige de revoir régulièrement l’orientation du capteur. Au sol, il suffit d’un arbre, d’un pont ou d’un véhicule pour obstruer l’image. Sans compter la compatibilité́ et la cohérence des données collectées par les deux méthodes.
Une attache virtuelle
L’idée du projet mapKite est donc de marier les deux techniques pour le meilleur et sans le pire. D’un côté, le drone est équipé́ d’instruments de télédétection et d’un système de navigation, de guidage et de contrôle. De l’autre, le véhicule terrestre, piloté par une personne, possède un système de navigation en temps réel. Le véhicule calcule la trajectoire à chaque instant, grâce à son système de positionnement. Ce faisant, il génère un ensemble de points de repère qui servent d’indications au drone, en convertissant la navigation terrestre (temps, position, vitesse et paramètres d’attitude) en commandes aériennes (hauteur et caps à suivre). Un tel mécanisme crée une «attache virtuelle» par laquelle le drone suit toujours le véhicule et travaille à la même échelle.
Le drone en pleine action. (Crédit: ©Jan Skaloud/EPFL)
Une cible optique
Le concept du tandem va bien donc au-delà̀ d’un simple suivi du véhicule par le drone. La qualité́ de cette attache virtuelle repose sur deux éléments. Le premier est une cible optique élaborée par les chercheurs du Laboratoire de topométrie (TOPO) de l’EPFL. Placée sur le toit du véhicule, elle représente un dessin fractal qui permet au drone de calculer de manière optique et en temps réel (ainsi qu’en post-traitement avec une plus grande précision), sa distance relative avec le véhicule. Le drone peut ainsi se situer en permanence et en tout point, sans l’aide des instruments de navigation par satellites et procéder à la fusion des données sans avoir recours à des cibles au sol. «En créant ce tandem, mapKite répond aussi au problème des règlementations européennes, puisque le drone peut en tout temps se poser de façon autonome sur le véhicule au moindre incident ou pour changer ses batteries», précise Jan Skaloud, maître d’enseignement et de recherche au TOPO.
Les atouts du système européen Galileo
Le second élément clé́ du système est l’exploitation, pour la première fois à ce niveau, des signaux provenant du système de navigation européen Galileo. En fonction depuis décembre 2016, il offre des signaux dont les propriétés sont supérieures à celles du GPS américain, ainsi que des caractéristiques uniques qui réduisent les erreurs dans le calcul des positions terrestres.
Mi-mars, le consortium a emmené́ le couple en Espagne, au BCN Drone Center, près de Barcelone. Les résultats des tests sont spectaculaires, offrant des cartes 3D au centimètre près, loin devant la qualité́ d’un produit comme ­Google street view. «Avec une cible de seulement 90 cm de diamètre, les images prises par le drone à 100 m d’altitude comptent un biais de moins de 1 % et, à 50 m, celui-ci est inferieur à 0,25 %», précise Davide Cucci, post doctorant au TOPO.
Pour les professionnels, les applications ne manquent pas. La cartographie d’abord, prend du relief avec cet instrument qui permet une modélisation en 3D de longs corridors. En milieu urbain, l’intérêt de ces développements est aussi de faire des inspections et de la surveillance du patrimoine bâti. Sans compter les développements à venir qu’offre cette technologie.
Jan Skaloud
Maître d’enseignement et de recherche, TOPO
jan.skaloud@epfl.ch
Tél.: 021 693 27 53
Davide Cucci
Collaborateur scientifique, TOPO
davide.cucci@epfl.ch
Tél.: 021 693 32 92

*  Le consortium mapKite réunit dix partenaires (GeoNumerics, TopScan, GRID-IT, ALTAIS, DEIMOS Engenharia, UAVision, CATUAV, EPFL, Engemap Engenharia, UNESP) issus de six pays européens et du Brésil. L’EPFL est le seul partenaire académique. Un brevet a été́ déposé́.