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28 décembre 2012 | La Revue POLYTECHNIQUE 10/2012 | Recherche et développement

La créativité en rupture avec son temps

Pierre-Henri Badel*

Avec le Swiss Creative Center (SCC) et le FabLab, le canton de Neuchâtel souhaite promouvoir de nouvelles formes de production. L’inauguration de ces deux organismes a eu lieu fin septembre sur le site qui relaye les principaux acteurs de la formation et de l’innovation.
Lutter contre la cherté du franc suisse passe par des initiatives soutenues par les secteurs privé et public en vue de stimuler l’innovation. Ce n’est pas en lançant des programmes de soutien qui maintiennent en vie des entreprises n’ayant pas su s’adapter à l’évolution de notre environnement économique, que l’on se prépare à affronter les défis de notre planète. «A chaque fois que paraît un classement des pays les plus compétitifs, on se demande comment la Suisse va-t-elle faire pour se maintenir en tête de peloton». C’est par cette remarque préliminaire que Mauro Dell’Ambroglio, le nouveau secrétaire d’État à l’éducation et à la recherche a capté l’attention de l’auditoire acquis à cette cause, lors de l’inauguration officielle, le 28 septembre, du Swiss Creative Center (SCC) et du FabLab de Neuchâtel.
 
La micro-machine de production fonctionne selon le principe des imprimantes à jet d’encre, afin de créer des pièces tridimensionnelles couche après couche. (Photo: Pierre-Henri Badel)

 
D’une pierre deux coups
Face à une brochette de personnalités du monde économique, académique et privé, le SCC a été inauguré en même temps que le FabLab, abrité dans les mêmes locaux du chef-lieu neuchâtelois. Ce dernier est un peu le bras armé du SCC, un lieu où devraient se cogiter les futurs produits qui sortiront des usines de notre pays. Il faut pourtant suivre des voies entièrement nouvelles. L’arrivée de la Swatch a, en son temps, ébranlé fondamentalement un monde pétri de tradition et d’aprioris.
«Cela a pourtant permis de relancer l’envie d’innover auprès de nombreuses personnes», a souligné le nouveau patron suisse de la formation et de la recherche, qui s’était déplacé tout spécialement de Berne pour apporter son soutien à cette initiative de la Chambre neuchâteloise du commerce et de l’industrie (CNCI). C’est ce genre d’innovation en rupture avec leur temps qui prépare l’avenir. «Nous nous trouvons devant un Dream Team de créatifs réunis autour de gens qui veulent concrétiser leurs idées», a-t-il poursuivi. Il a aussi souligné qu’il apportera tout son soutien à cette initiative particulièrement novatrice.
 
Claude Nicollier en grande conversation avec Philippe Gnaegi, président du Conseil d’État de Neuchâtel, lors de l’inauguration du Swiss Creative Center et du FabLab situés sur la place de la gare du chef-lieu du canton, à proximité directe de la HE-Arc. (Photo: Pierre-Henri Badel)
 
Une grande première romande
La création d’un FabLab, une sorte d’atelier de production d’un tout nouveau genre, où l’on expérimente avec des outils et des machines simples, mais très novateurs, est en effet une première en Suisse romande. Sur le plan helvétique, seul Lucerne dispose d’une telle structure. «Le FabLab est un lieu où l’on transforme en objet des idées élaborées au sein du Swiss Creative Center», a confirmé Brigitte Bachelard, directrice de la Haute Ecole Arc et membre du comité du Swiss Creative Center. Inventé aux Etats-Unis au sein du prestigieux MIT (Massachusetts Institute of Technology), ce concept consiste à révolutionner les méthodes et procédés de production, que ce soit dans la réalisation de prototypes, mais aussi de pièces uniques.
«Même si c’est la HES qui et porteur du projet, le FabLab se veut un lieu ouvert aux entrepreneurs de la région et aussi un point d’échange en réseau avec d’autres partenaires, également avec le FabLab de Lucerne» a encore précisé Brigitte Bachelard. Un tel lieu de convergence permet aux ingénieurs, chercheurs et industriels – et même aux industriels entre eux - de se rencontrer sur un terrain neutre et de cogiter ensemble sur ce que seront les produits de l’avenir. «Demain est déjà aujourd’hui», n’a-t-elle pas hésité à conclure en parlant de cette nouvelle structure.
 
Produire par adjonction de matière
Ce FabLab dispose, en particulier, de machines fonctionnant par jet de matière, qui permettent de créer des objets, couche après couche, sans devoir les usiner par enlèvement de matière, mais bien par adjonction de matériau. Elles sont reliées à des ordinateurs, ce qui permet de fabriquer des objets en trois dimensions directement à partir du dessin de la pièce, sans étape intermédiaire.
Aussi attiré par l’intérêt de la démarche, Claude Nicollier, président du conseil d’administration du Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM), cita Marie Jean Antoine Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet, qui disait «On ferait beaucoup plus de choses si l’on en croyait moins d’impossibles». Il souligna l’importance de développer des produits novateurs pour maintenir une économie profitable. «Il est important de pouvoir accélérer la réalisation de produits et de services issus de l’innovation de rupture», souligna-t-il. Et surtout de croire en ses idées.
 

* Ingénieur ETS, journaliste spécialisé RP AJS