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25 septembre 2013 | La Revue POLYTECHNIQUE 09/2013 | Flash

La luminosité du trou noir de notre galaxie

Comment les trous noirs super-massifs peuvent-ils capturer de la matière sans émettre beaucoup de rayonnement? Grâce à un programme sans précédent d’observations en rayons X de Sagittarius A (Sgr A*), le trou noir super-massif situé au centre de notre galaxie, une collaboration internationale à laquelle participent des chercheurs de l’Observatoire astronomique de Strasbourg (CNRS/Université de Strasbourg), apporte aujourd’hui une explication. Ces travaux ont démontré que les rayons X émis dans le voisinage de ce trou noir ne proviennent pas de couronnes d’étoiles actives, mais principalement d’un gaz, trop chaud pour être capturé efficacement. Ces résultats sont parus dans l’édition du 30 août 2013 de la revue Science.
Les galaxies de taille normale, comme la Voie lactée, abritent en leur centre un trou noir super-massif d’une masse de quelques millions à quelques milliards de fois celle du Soleil. Le noyau de certaines de ces galaxies peut être plus lumineux que toutes les étoiles de la galaxie, grâce au champ de gravité intense du trou noir super-massif, qui capture la matière dans son voisinage et libère une quantité phénoménale d’énergie gravitationnelle. Cependant, pour une raison indéterminée jusqu’ici, la plupart des noyaux de galaxies dans l’Univers sont peu, voire pas du tout actifs, alors que la quantité de matière autour de leur trou noir central semble suffisante pour les rendre beaucoup plus lumineux.
Ainsi, au centre de la Voie lactée, à 26’000 années-lumière de la Terre, le trou noir super-massif Sgr A* n’est qu’une centaine de fois plus lumineux que le Soleil, alors qu’il est quatre millions de fois plus massif. Une fois par jour en moyenne, Sgr A* produit des éruptions de rayons X: sa luminosité peut alors augmenter de 160 fois en quelques dizaines de minutes.
Une équipe internationale s’est concentrée sur l’étude de la matière capturée ou éjectée par Sgr A*, à la fois à l’état de repos comme lors de ses éruptions. Pour ce faire, elle a analysé les images et spectres de rayons X de Sgr A* avec une résolution et une sensibilité sans précédent, obtenues en 2012 grâce à des observations avec le satellite Chandra de la NASA et son réseau par transmission à hautes énergies durant 35 jours cumulés. Les images obtenues ont permis de distinguer deux composantes autour de Sgr A*: une émission ponctuelle variable, provenant des éruptions de Sgr A* et une émission étendue constante, avec une élongation compatible avec le disque d’étoiles massives orbitant autour de Sgr A*, dont les vents alimentent en gaz ce trou noir super-massif.
Les spectres de cette émission ont permis de détecter clairement la raie héliumoïde du fer à 6,7 keV, mais la raie hydrogénoïde du fer à 7 keV et la raie du fer neutre ou faiblement ionisé à 6,4 keV ne sont pas visibles. L’absence de cette raie du fer neutre ou faiblement ionisé permet de conclure que l’émission en rayons X ne provient pas des couronnes d’étoiles actives, comme une étude précédente l’avait proposé, mais bien du gaz capturé par le trou noir super-massif. Par contre, des raies d’émission d’autres éléments, comme le soufre, le calcium et l’argon, sont détectées ici pour la première fois: l’ensemble de ces raies d’émission en rayons X a permis de déduire la température, la densité, ainsi que la masse du gaz en fonction de sa distance au trou noir.
Les caractéristiques du spectre de rayons X démontrent que le flot de gaz vers le trou noir super-massif ne peut pas exister sans une éjection massive de gaz. Celui-ci est trop chaud pour être capturé efficacement par le trou noir: 99 % du flot de gaz capturé à grande distance est finalement éjecté avant d’avoir pu atteindre la proximité du trou noir. Cela permet d’expliquer sa faible luminosité et renforce les modèles de flots d’accrétion radiativement inefficaces.