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26 août 2014 | La Revue POLYTECHNIQUE 08/2014 | Flash

La «spintronique», une piste pour l’informatique de demain?

La «spintronique» est un nouveau domaine de l’électronique qui exploite le spin des électrons plutôt que leur mouvement. Cette technique nécessite des composants isolants capables de contrôler cette propriété quantique. Des chercheurs ont démontré qu’un matériau innovant possédait toutes les qualités requises. Ce domaine présente un intérêt certain pour l’informatique. Le spin peut être contrôlé au moyen de matériaux nommés «isolants topologiques», qui présentent une surface fortement conductrice, mais disposent de propriétés isolantes à l’intérieur. On pense depuis longtemps que l’hexaborure de samarium (SmB6) serait un isolant topologique idéal autant que robuste, mais cela n’avait jamais été prouvé dans la pratique. Or, un article de «Nature Communications» annonce que des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer, du IOP (Académie chinoise des sciences) et de l’équipe d’Hugo Dil de l’EPFL ont démontré de façon expérimentale que le SmB6 était en effet un isolant topologique.
Les applications électroniques du futur pourraient tirer parti d’une caractéristique intrinsèque des électrons appelée le spin. Ce dernier leur donne leur propriété magnétique et peut présenter deux états, «haut» ou «bas», que l’on peut se figurer comme une rotation horaire respectivement antihoraire de l’électron concerné autour de son axe. Le spin peut être contrôlé grâce à des matériaux appelés isolants topologiques, susceptibles de conduire des électrons à spin polarisé le long de leur surface avec 100% d’efficacité, l’intérieur de ces matériaux restant quant à lui totalement isolant. Toutefois, ces isolants topologiques en sont encore à un stade expérimental. L’un d’entre eux, l’hexaborure de samarium (SmB6), semble être un candidat intéressant. Contrairement à ses semblables, ses propriétés isolantes sont basées sur un phénomène particulier appelé «effet Kondo», qui évite que le flux d’électrons ne soit interrompu par les irrégularités de la structure du matériau. Le SmB6 serait donc un isolant topologique Kondo robuste et efficace.
Des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer (PSI), de l’Institut de physique de l’Académie chinoise des sciences et de l’équipe d’Hugo Dil de l’EPFL ont pu montrer en laboratoire que l’hexaborure de samarium (SmB6) était en effet le premier isolant topologique Kondo. Lors d’expériences pratiquées à l’Institut Paul Scherrer (PSI), les scientifiques ont éclairé des échantillons de SmB6 avec une lumière spécifique appelée «rayonnement synchrotron». Son énergie a été transférée aux électrons du SmB6, ce qui les a éjectés du matériau. Les propriétés des électrons rejetés (dont leur spin) ont ensuite été mesurées avec un détecteur, ce qui a permis de recueillir des informations sur leur comportement lorsqu’ils se trouvaient encore à la surface du SmB6. Les résultats obtenus se sont montrés compatibles avec l’idée faite d’un isolant topologique.
Cette étude a été réalisée par l’Institut de physique de la matière condensée de l’EPFL, en collaboration avec l’Institut Paul Scherrer, le SwissFEL et le Laboratoire de développements et méthodes, l’Institut de physique de l’Université de Zurich, le Laboratoire de physique des solides de l’ETH Zurich, le Laboratoire national de physique de la matière condensée de Pékin, l’Institut de physique de l’Académie chinoise des sciences, l’Institut ISW de recherche sur les corps solides de Dresde et le Centre collaboratif d’innovation de la matière quantique de Pékin. Ce projet et les expériences décrites ont été initiés et menés par le PSI et l’EPFL.