23 mars 2016 |
La Revue POLYTECHNIQUE 01/2016 |
Électrochimie
L’accumulateur à l’or des fous
Les accumulateurs lithium-ions hautes performances ont un problème: tôt ou tard, les ressources de lithium vont se faire rares, car la production de voitures électriques et d’accumulateurs stationnaires va sans cesse en augmentant. Des chercheurs de l’Empa et de l’EPFZ ont trouvé une solution: l’accumulateur à l’or des fous.
L’accumulateur à l’or des fous se compose de fer, de soufre et de magnésium – des éléments dont les ressources sont quasiment inépuisables. Il permettrait de réaliser, à faible coût, d’énormes accumulateurs stationnaires situés dans les bâtiments ou à proximité des centrales électriques.
La recherche d’accumulateurs bon marché pour le stockage de l’électricité est une affaire urgente: de plus en plus souvent, la production irrégulière d’éco-courant amène les réseaux de distribution conventionnels à leur limite de charge. Pour y pallier, il faudrait disposer d’accumulateurs temporaires raccordés à un réseau intelligent (smart grid).
Le nombre des voitures électriques, qui doivent pouvoir recharger leur accumulateur rapidement, va lui aussi s’accroître. Les puissants accumulateurs lithium-ions bien connus sont mal adaptés pour servir d’accumulateurs temporaires; ils sont trop chers et le lithium va se faire rare. Ce qu’il faut, c’est une alternative bon marché – un accumulateur utilisant des ingrédients peu coûteux et disponibles en masse. L’électrochimie est toutefois une chose assez compliquée: tout ce qui est bon marché ne permet pas forcément de fabriquer un accumulateur.
La clé du succès: la pyrite (or des fous) utilisée comme matériau pour la cathode. (Photo: JJ Harrison/commons.wikimedia.org)
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La pyrite, clé du succès
Maksym Kovalenko, Marc Walter et leurs collègues du laboratoire «Films minces et photovoltaïque» de l’Empa sont parvenus à une solution. Ces chercheurs ont associé une anode de magnésium à un électrolyte de magnésium et d’ions sodium. Quant à la cathode, elle est formée de nanocristaux de pyrite – aussi dénommée «l’or des fous», parce que lors de la ruée vers l’or, en raison de son éclat et de sa couleur, les prospecteurs inexpérimentés la confondaient souvent avec ce métal précieux.
La pyrite est du sulfure de fer cristallin. Lors de la décharge de l’accumulateur, les ions sodium de l’électrolyte migrent dans la cathode et lors de sa recharge, la pyrite cède à nouveau les ions sodium. Cet accumulateur, dénommé accumulateur hybride sodium-magnésium, fonctionne déjà en laboratoire. Il présente plusieurs avantages: le magnésium est plus sûr que le lithium car il s’enflamme moins facilement. Et le prototype de laboratoire de cet accumulateur a déjà subi 40 cycles de charge et de décharge sans perte de capacité – un résultat prometteur qui invite à poursuivre son optimisation.
Nanocristaux de pyrite sous le microscope électronique: c’est avec de tels cristaux qu’est confectionnée la cathode de l’accumulateur à l’or des fous. (Photo: Empa)
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Des composants bon marché
Le principal avantage de cet accumulateur réside dans ses composants: ils sont bon marché et disponibles en quantités quasiment inépuisables. Les nanocristaux de sulfure de fer peuvent être obtenus, par exemple, en broyant à sec du fer métallique et du soufre dans un broyeur à billes conventionnel.
Le fer, le magnésium, le sodium et le soufre comptent parmi les éléments les plus abondants dans la croute terrestre. Ils viennent se ranger au quatrième, sixième, septième et quinzième rang par ordre d’abondance. Un kilogramme de magnésium coûte ainsi moins de quatre francs, soit quinze fois moins que le lithium. On peut encore faire des économies lors de la fabrication de cet accu bas prix: les accumulateurs lithium-ions ont besoin de feuilles de cuivre relativement chères pour collecter et conduire le courant. Sur l’accumulateur à l’or des fous, des feuilles d’aluminium bon marché suffisent.
Un potentiel de stockage considérable
Les chercheurs pensent que le potentiel de développement réside avant tout dans la construction de grands accumulateurs connectés au réseau. En effet, l’accumulateur à l’or des fous n’est pas adapté aux voitures électriques, car sa puissance est trop faible. Mais là où ce sont les critères de coût, de sécurité et d’écologie qui prédominent, cette technique présente des avantages.
Dans leur article récemment publié dans la revue scientifique Chemistry of Materials, les chercheurs de l’Empa proposent la construction d’accumulateurs d’une capacité de l’ordre de plusieurs térawattheures. Un tel accumulateur serait en mesure, par exemple, de stocker la production annuelle de la centrale nucléaire de Leibstadt.
«Le potentiel de cet accumulateur n’est pas encore totalement épuisé», déclare Maksym Kovalenko qui, parallèlement à ses activités de recherche à l’Empa, est professeur dans le département de chimie et des biosciences appliquées à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich. «En améliorant l’électrolyte, il est certainement possible d’augmenter encore la tension et la durée de vie des accumulateurs hybrides sodium-magnésium.» Et il ajoute: «Nous sommes à la recherche d’investisseurs pour nous soutenir dans notre recherche sur la voie de l’ère post-lithium, et qui seraient disposés à lancer sur le marché cette technologie d’avenir.»
Empa
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