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22 août 2024 | La Revue POLYTECHNIQUE | Énergie & Environnement

L’arrivée prochaine des navires autonomes dans le secteur maritime

Source : Science & Vie N°1281

Photo: afcan.org

Des marins en chaussures de ville et installés dans des bureaux high-techs pour surveiller les navires venus des quatre coins du globe … Les navires autonomes font ils bientôt leurs débuts dans le commerce mondial ? L’innovation en question pourrait arriver plus tôt que pensé, offrant des solutions efficaces, sûres et respectueuses de l'environnement pour le commerce mondial.

L'automatisation navale

La société norvégienne Kongsberg Maritime, spécialisée dans les systèmes d'automatisation pour les navires marchands et les installations offshore, est à la pointe d’une révolution technologique. D'ici à 2026, elle prévoit de lancer trois navires entièrement autonomes : le Yara Birkeland, un porte-conteneurs de 80 mètres transportant des engrais entre ports norvégiens, ainsi que deux barges de 67 mètres, le Marit et le Therese, qui traverseront le fjord d'Oslo pour le distributeur Asko. Contrôlés depuis la terre ferme, ces navires ouvriront la voie à une nouvelle ère de navigation autonome.

Pourquoi l'autonomie navale ?

Le développement des navires autonomes repose sur plusieurs motivations. Le principal argument est de pallier la pénurie de marins. "Nous manquons cruellement de marins", explique Ørnulf Jan Rødseth, expert mondial de l'autonomie maritime. Le métier, exigeant de longues périodes loin de chez soi, n'attire plus. En se passant de personnel à bord, les compagnies espèrent également réduire leurs coûts et augmenter l'espace disponible pour le fret.

Environnement et sécurité : Les atouts des navires autonomes

Les bénéfices environnementaux des navires autonomes sont considérables. La navigation optimisée permettrait de réduire la consommation de carburant. Markus Laurinen évoque le slow steaming, une technique de réduction de la vitesse, qui permettrait de diviser par deux la consommation de carburant, actuellement peu exploitée en raison des coûts supplémentaires en personnel. Cette réduction est cruciale, le transport maritime représentant environ 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit autant que l'aviation.

En matière de sécurité, l’autonomie élimine le risque d’erreur humaine, une cause majeure des accidents maritimes. De plus, la piraterie pourrait devenir moins attrayante, les pirates ne pouvant plus compter sur les rançons en échange d’otages puisqu’il n’y aurait plus personne à bord.

Les défis technologiques des navires autonomes

Pour atteindre une autonomie totale, les navires doivent surmonter plusieurs défis technologiques. Le système de navigation doit être capable de maintenir le cap malgré les vagues, les courants et le vent. Il doit également fonctionner sans maintenance en mer, supportant les agressions constantes du milieu marin grâce à une maintenance rigoureuse et à la redondance des équipements.

La prévention des collisions est un autre défi majeur. Les systèmes doivent détecter et identifier les autres navires, objets flottants et reliefs sous-marins, estimer leurs déplacements et calculer des trajectoires d'évitement. Les navires autonomes doivent également maintenir une connexion satellite fiable pour informer de leur trajectoire et solliciter de l'aide en cas de besoin.

La législation en mutation

Actuellement, un bateau sans capitaine n’a pas le droit de naviguer selon la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, qui stipule que tout navire doit être confié à un capitaine et à des officiers qualifiés, et qu’un équipage suffisant doit être présent pour assurer la navigation et la maintenance. Cette Convention oblige également tout navire à porter assistance à quiconque est en péril en mer, une tâche que les navires sans équipage auraient du mal à accomplir. Depuis 2021, l’Organisation maritime internationale (OMI) travaille sur une version révisée de la Convention, adaptée aux navires autonomes, prévue pour 2025 et mise en service en 2028.

Vers une nouvelle ère maritime

Tahsin Tezdogan, spécialiste de la navigation autonome, modélise les effets des vagues, du vent et des courants sur la coque pour que les navires suivent leur route définie. Les systèmes intelligents apprennent de leur expérience, permettant leur déploiement sur différents types de cargos.

En outre, pour prévenir les collisions, les navires autonomes seront équipés de capteurs comme les radars, lidars, sonars et caméras infrarouges. Le véritable défi réside dans l'interprétation efficace de ces signaux. "Une IA peut facilement identifier un piéton dans un décor fixe, mais distinguer un objet au milieu des vagues est une autre affaire", explique Mathieu Glade, directeur général de SeaOwl Technology Solutions.