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18 décembre 2015 | La Revue POLYTECHNIQUE 10/2015 | Vie des sociétés

Le CRPP devient le Swiss Plasma Center

Michel Giannoni

Le Centre de recherches en physique des plasmas (CRPP) de l’EPFL change de nom et devient le Swiss Plasma Center (SPC). Derrière ce changement se cache une extension de ses activités liée à un renouvellement des équipements, plaçant notamment le tokamak lausannois parmi les trois installations de recherche retenues par le consortium EUROfusion pour développer la fusion nucléaire dans le cadre du projet international ITER.
L’inauguration officielle du Swiss Plasma Center a eu lieu le 22 septembre dernier à l’EPFL, en présence de Philippe Gillet, vice-président de l’EPFL, Tony Donné, directeur du programme EUROfusion, Rudolf Strohmeier, directeur général adjoint à la recherche et à l’innovation de la Commission européenne, Bruno Moor, délégué au Secrétaire d’Etat pour la coopération internationale en recherche et innovation, ainsi que d’Ambrogio Fasoli, directeur du Swiss Plasma Center. Bernard Bigot, le directeur général d’ITER, a dû renoncer à sa présence au dernier moment. Son discours, au cours duquel il a souligné l’importance des recherches menées en Suisse pour parvenir à accomplir l’objectif du réacteur en construction à Cadarache, à savoir la production par fusion nucléaire de dix fois plus d’énergie qu’il aura été nécessaire d’en injecter dans le réacteur, a été présenté en vidéo.
 
L’inauguration du Swiss Plasma Centre le 22 septembre à l’EPFL.
 
Le Swiss Plasma Center héberge le tokamak TCV, un des trois équipements nationaux européens considérés comme cruciaux pour la réalisation de la fusion nucléaire, une source d’énergie quasiment illimitée et respectueuse de l’environnement. Il contribue à la mise en œuvre du réacteur ITER en construction à Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône, ainsi qu’au développement des diverses applications de la physique et de la technologie des plasmas.
La fusion nucléaire se profile comme la source d’énergie abondante, sûre et écologique de la seconde moitié du XXIe siècle. A la différence de la fission, elle ne comporte pas de risques d’emballement en cas de panne et ne génère pas de déchets radioactifs à longue durée de vie. Elle se base sur des matériaux abondants dont l’extraction est moins problématique que celle de l’uranium.
 
Principe et applications du réacteur de fusion nucléaire.
 
De nombreux défis encore à relever
Avant que cette technologie puisse être exploitée de façon rentable, de nombreux défis techniques restent encore à relever. Dont notamment l’optimisation du confinement du plasma, ce gaz chauffé à plusieurs millions de degrés, au sein duquel se produisent les réactions de fusion, de la même manière qu’au cœur des étoiles. Il s’agit, en effet, de maîtriser un gaz chauffé à plus de cent millions de degrés, afin que les atomes de deutérium et de tritium (deux isotopes de l’hydrogène) qui le composent puissent fusionner et libérer de formidables quantités d’énergie. Cette température est largement supérieure à celle qui règne au cœur du Soleil, car il est impossible de réaliser sur Terre les formidables pressions qui règnent au sein de l’Astre du jour. Mais ces températures extrêmes ne doivent pas endommager le réacteur, d’où la nécessité de maintenir le plasma éloigné des parois, grâce à un champ magnétique, dans une chambre en forme d’anneau - le tokamak.
 
Vue plongeante sur le tokamak du Swiss Plasma Centre et ses systèmes de chauffage.
Le cœur du tokamak TCV.
 
 
Le TCV: une installation unique au monde
Depuis plus de 20 ans, le Centre de recherches en physique des plasmas (CRPP) de l’EPFL et son tokamak à configuration variable (TCV) font office de référence mondiale dans le domaine. Construit en 1992, le TCV a toujours été à la pointe des installations de recherches dans ce domaine. Il a pour caractéristique de produire des plasmas de formes diverses, ce qui permet aux scientifiques de mesurer quelle configuration sera la plus à même d’être mise en œuvre dans le cadre d’un réacteur destiné à la production d’énergie. Cette particularité lui a valu, à fin 2013, d’être sélectionné par le consortium EUROfusion comme l’une des trois installations nationales du continent européen impliquées dans la mise au point d’ITER, le premier réacteur de fusion qui produira davantage d’énergie qu’il n’en consomme, ainsi que la conception de son successeur, DEMO, le prototype de centrale commerciale.
Le laboratoire lausannois a récemment reçu de la Confédération suisse un montant de 10 millions de francs destiné à la mise à niveau de certaines de ses installations. Fort de cette manne, le Centre sera en mesure d’effectuer de nouvelles expériences sur le tokamak TCV, notamment liées à l’extraction de puissance et de particules du plasma. De nouveaux dispositifs de chauffage du plasma par micro-ondes et injection de particules neutres pourront aussi être installés.
 
Système d’injection des micro-ondes servant à chauffer le plasma dans le tokamak.
 
Des applications en médecine et dans l’industrie alimentaire

En parallèle, le Centre développe son secteur de plasmas à plus basse densité et température, pour ouvrir de nouveaux champs, notamment par des applications dans les secteurs de la médecine et de l’industrie alimentaire, ainsi qu’en astrophysique. Ces améliorations inciteront de nombreux chercheurs suisses et européens à venir à Lausanne mener de nouvelles expériences.
Fort de ces nouveaux développements, le laboratoire lausannois s’offre donc une nouvelle identité. C’est désormais sous le nom de «Swiss Plasma Center» qu’il entend se profiler en Suisse, en Europe et dans le reste du monde comme institution de référence dans le domaine de la fusion nucléaire contrôlée, dans les matériaux supraconducteurs, ainsi que dans l’utilisation des plasmas dans d’autres domaines scientifiques.
 
Système de chauffage du plasma par injection de particules neutres.
 
Le plasma: quatrième état de la matière
Lorsqu’un gaz est chauffé à une température supérieure à quelque 10’000 ºC, les électrons sont éjectés de leurs atomes, formant ainsi un mélange d’électrons et d’ions qui a l’avantage d’être sensible aux champs électriques et magnétiques et est donc très conducteur. Considérée comme le quatrième état de la matière, cette sorte de soupe d’électrons et d’ions est appelée plasma. Le plasma n’existe pas sur Terre à l’état naturel, en raison des très hautes températures nécessaires pour arracher des électrons aux atomes. En revanche, il est très répandu dans l’Univers, où i constitue une grande partie de la matière baryonique.
 
Le projet ITER
Le projet ITER (acronyme de International Thermonuclear Experimental Reactor) a été initié par les présidents Reagan et Gorbatchev lors du Sommet de Genève en 1985. Il s’inscrit dans une démarche à long terme visant à l’industrialisation de la fusion nucléaire. Le projet ITER est donc une étape dont le but est de mettre au point les technologies nécessaires à la fabrication du futur réacteur expérimental DEMO, dont l’objectif sera la production industrielle d’électricité par fusion nucléaire.
Le projet ITER associe trente-cinq pays: ceux de l’Union européenne, la Chine, la Corée du Sud, les États-Unis, l’Inde, le Japon, la Russie, ainsi que la Suisse qui participe au projet via l’Euratom.
 
Les prévisions:
2014 - 2020:    construction d’ITER et essais
2021 – 2030:   exploitation d’ITER et conception de DEMO
2031 – 2050:   construction et exploitation de DEMO
 
Ambrogio Fasoli,

directeur du Swiss Plasma Center
Tél.: 021 693 34 92
ambrogioJasoli@epfl.ch