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26 août 2020 | La Revue POLYTECHNIQUE 05/2020 | Environnement

Le fond des lacs suisses menacé d’asphyxie

L’Office fédéral de l’environnement s’alarme : le réchauffement climatique perturbe sensiblement le brassage des lacs, mécanisme par lequel les eaux de surface, riches en oxygène, parviennent en profondeur. Le phénomène menace la faune et la flore lacustres. Une oxygénation insuffisante des couches profondes peut notamment entraîner la disparition des habitats de nombreuses espèces de poissons.
Dans une étude publiée le 22 mars dernier, à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) constate un ralentissement de plus en plus manifeste du mécanisme de brassage des lacs, indispensable pour réoxygéner en hiver les eaux profondes. Attribuant ce phénomène au réchauffement climatique, il dit craindre pour la survie à terme d’une grande partie de la faune et de la flore lacustres.

En hiver, lorsque l’eau en surface baisse à 4 °C, l’écart de température entre les couches superficielles et les couches profondes disparaît. C’est ce phénomène qui permet la réoxygénation du eaux en profondeur. (© OFEV)
Les eaux des lacs se réchauffent
Les experts de l’OFEV rappelle que c’est à la température de 4 °C que l’eau est la plus dense. Les couches d’eau situées en profondeur demeurent à cette température tout au long de l’année. En hiver, lorsque l’eau en surface baisse à 4 °C, l’écart de température entre les couches superficielles et les couches profondes disparaît. Si le vent souffle suffisamment fort, les masses d’eau sont brassées jusque dans les profondeurs. C’est ce mécanisme qui permet la réoxygénation des eaux en profondeur.

Évolution du brassage de l’eau dans le lac de Zurich. (© OFEV)

Dans son étude, l’OFEV observe que le réchauffement a des répercussions négatives sur le brassage des lacs, dont les eaux se réchauffent proportionnellement à la hausse de la température de l’air. « Ces dernières années, nous avons constaté que les eaux des lacs de Constance, de Zurich et du Léman étaient de moins en moins brassées dans les couches de fond. L’apport en oxygène s’en est trouvé diminué », indique Manuel Kunz, de la section Qualité des eaux de l’OFEV.C’est en automne que ce changement est le plus visible. La température de l’eau du lac de Zurich, mesurée en octobre de l’année dernière, a ainsi subi une hausse de 0,5 °C en moyenne par décennie, soit 4 °C depuis le début des mesures, il y a 80 ans.

La température de l’eau du lac de Zurich, a subi une hausse de 0,5 °C en moyenne par décennie, soit 4 °C depuis le début des mesures, il y a 80 ans. (© Flickr)
L’OFEV pessimiste
Les experts de l’OFEV sont pessimistes. Il faut, disent-ils, s’attendre à ce que le brassage des eaux des lacs suisses continue de se dégrader. Des simulations réalisées dans le cadre d’un projet de recherche intitulé « Klimawandel am Bodensee » (changement climatique au lac de Constance), ont montré que le brassage de ce lac atteignait de plus en plus rarement sa profondeur maximale de 254 m, nécessaire à une bonne réoxygénation. Ces mêmes simulations montrent aussi que le taux d’oxygène du lac en eau profonde va fortement diminuer à l’avenir. Il risque d’atteindre des valeurs critiques pour la survie de la faune et de la flore. À terme, par exemple, les frayères des corégones et des ombles sont menacées.
Seul point positif : « Jusqu’à présent, la qualité de l’eau des lacs, utilisée comme eau potable, n’est pas menacée par ces perturbations de la circulation des masses d’eau », précise Manuel Kunz.

Manuel Kunz
Office fédéral de l’environnement
Section qualité des eaux
manuel.kunz@bafu.admin.ch
Tél. 058 463 52 55
www.bafu.admin.ch