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03 novembre 2025 | La Revue POLYTECHNIQUE | Économie

Le Nobel de chimie 2025 récompense trois pionniers

Le prix Nobel de chimie a été attribué cette année à Susumu Kitagawa, Richard Robson et Omar M. Yaghi. Leurs travaux ont permis le développement des structures métallo-organiques, des matériaux aux applications variées allant de la capture du CO₂ à la purification de l’eau.

L’Académie royale des sciences de Suède a annoncé, le 8 octobre 2025, l’attribution du prix Nobel de chimie à trois chercheurs ayant contribué à la mise au point des metal-organic frameworks (MOF), ou structures métallo-organiques. Ce champ de recherche, né à la fin des années 1980, s’est progressivement imposé comme un axe central dans la conception de nouveaux matériaux poreux aux propriétés modulables.

Les récipiendaires sont le Japonais Susumu Kitagawa, professeur à l’Université de Kyoto, le Britannique Richard Robson, affilié à l’Université de Melbourne, et l’Américano-Jordanien Omar M. Yaghi, basé à l’Université de Californie à Berkeley. Leurs travaux ont permis de concevoir des réseaux cristallins capables d’adsorber et de libérer divers composés gazeux ou liquides, ouvrant la voie à de nombreuses applications dans les domaines de l’environnement, de l’énergie ou de la chimie.

Des matériaux poreux à géométrie contrôlée

Les MOF sont constitués d’unités métalliques reliées par des ligands organiques. Leur structure tridimensionnelle, caractérisée par une forte porosité, offre une grande surface interne, propice à l’interaction avec d’autres substances. En modifiant les composants de base, il est possible d’adapter les propriétés de ces matériaux à des usages ciblés.

Cette flexibilité structurelle a suscité un large intérêt pour des applications comme le captage sélectif du dioxyde de carbone, la récupération d’eau atmosphérique dans des milieux arides ou encore la filtration de composés toxiques. Dans certains cas, ces matériaux peuvent également agir comme catalyseurs ou conducteurs d’électricité.

Une reconnaissance de travaux de longue haleine

Les premières explorations de ce domaine remontent à 1989, lorsque Richard Robson a tenté une nouvelle méthode de liaison entre ions métalliques et ligands organiques. Les premiers réseaux obtenus se sont révélés instables, mais ont jeté les bases de recherches ultérieures. Susumu Kitagawa a par la suite démontré que ces structures pouvaient accueillir des gaz et être rendues flexibles. Omar M. Yaghi, de son côté, a réussi à synthétiser des MOF stables et modifiables, facilitant leur intégration dans des dispositifs expérimentaux.

Ces recherches ont donné lieu à la création de milliers de variantes de MOF, étudiées dans de nombreux laboratoires à travers le monde. Certaines équipes ont par exemple utilisé ces matériaux pour extraire l’humidité de l’air en climat désertique, tandis que d’autres ont exploré leur capacité à séparer les composés fluorés persistants (PFAS) de l’eau.

Des usages possibles dans un contexte de transition

Au-delà de la reconnaissance scientifique, l’intérêt porté à ces travaux s’inscrit dans une dynamique plus large liée aux enjeux climatiques et sanitaires. Les matériaux issus de la recherche sur les MOF offrent des perspectives pour le traitement des effluents industriels, le stockage de gaz ou la dépollution de l’eau. Toutefois, leur transfert vers des solutions commercialement viables reste conditionné à des efforts technologiques et économiques importants.

En attribuant le prix 2025 à Kitagawa, Robson et Yaghi, l’Académie souligne la contribution fondamentale de la chimie des matériaux à des défis contemporains majeurs. Le prix, assorti d’une récompense financière de 11 millions de couronnes suédoises (environ 920 000 euros), sera partagé entre les trois lauréats.