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31 octobre 2020 | La Revue POLYTECHNIQUE | Éditorial

Le règne insalubre de la «Plasticra tie» (éditorial 10/2020)

Georges Pop

«Plasticratie» est le titre d’un documentaire militant du réalisateur tunisien Hammadi Lessoued. Le film se veut une invitation pressante à une prise de conscience quant à l’impact du plastique sur l’environnement et la santé humaine. « Plasticratie » met l’accent sur la dépendance de notre civilisation au plastique et à son emprise sur nos vies. Sa sortie coïncide avec la publication de plusieurs études, froidement scientifiques celles-là, qui sont autant d’avertissements alarmants. Publié cet été par le magazine de référence Science, un rapport, réalisée par dix-sept experts internationaux, au nombre desquels figure le Suisse Julien Boucher, chercheur à la HEIG-VD, constate que la production de plastique augmente nettement plus vite que la capacité des pays à le recycler. Ce rapport prévoit la dispersion de 20 à 53 millions de tonnes de matières plastiques dans les seuls écosystèmes aquatiques, au cours de l’année 2030 – une augmentation sensible par rapport aux 19 à 23 millions de tonnes de 2016 ! Au rythme actuel, sans changement de comportement, les chercheurs estiment que 1,3 milliard de tonnes auront ainsi été déversées sur les sols et dans l’environnement maritime en 2040, de quoi recouvrir une fois et demie la superficie de tout le Royaume-Uni. Autre constat alarmant : selon Interpol, des réseaux criminels ont massivement noyauté le secteur de l’exportation de déchets plastiques vers les pays d’Asie, contribuant ainsi à souiller la planète, en brûlant ou jetant en pleine nature des déchets destinés au recyclage. Ces plastiques finissent par être ingérés par les humains qui se nourrissent d’animaux et de végétaux contaminés. Selon certaines estimations, chaque personne ingère, en moyenne, cinq grammes de plastique par semaine, l’équivalent d’une carte de crédit. Or, une étude française, parue dans la revue médicale mensuelle britannique Journal of Neurology, Neurosurgery & Psychiatry, a mis en évidence, cet été, un lien possible entre l’ingestion de microplastiques et certaines formes de démence. Le pire serait-il à venir ? Peut-être ! Ou peut-être pas : des scientifiques britanniques affirment avoir créé une « super enzyme » capable de dégrader rapidement le PET (polytéréphtalate d’éthylène), l’un des plastiques les plus communs. D’autres recherches, notamment au Japon, suivent la même piste. Certes, il n’est pas question ici de renverser la « Plasticratie », mais simplement d’en réduire les sévères nuisances. Ce n’est pas la panacée, mais, selon la formule consacrée, « c’est mieux que rien !»