L’EPFL propulse les leaders du secteur spatial de demain
Kristell Moullec
Depuis 2016, un groupe d’étudiants conçoit, fabrique et lance des fusées expérimentales. Rassemblant plus de 200 membres et soutenue par 37 partenaires, le projet EPFL Rocket Team entend repousser les limites de l’ingénierie aérospatiale étudiante en ayant pour objectif de développer la première fusée à moteur bi-liquide à franchir une altitude de 100 km.
À travers le projet EPFL Rocket Team, les étudiants de l’École polytechnique fédérale de Lausanne appliquent leurs connaissances dans un cadre de développement exigeant. « Nous avons créé un lien solide entre éducation, recherche et industrie, qui va propulser les leaders de l’exploration spatiale de demain », souligne Emmanuelle David, directrice exécutive du Centre spatial de l’EPFL (eSpace) et coordinatrice du projet du côté institutionnel.
Répartis en pôles techniques (propulsion, avionique, structure, simulation, récupération), ces étudiants mènent des projets complexes, allant de la modélisation 3D à la fabrication additive, en passant par l’intégration de composants embarqués.
Pédagogie expérimentale et standards industriels
Quel que soit leur niveau d’étude – bachelor ou master –, les membres du projet EPFL Rocket Team sont confrontés à des contraintes techniques réelles : gestion thermique, stabilité aérodynamique, contrôle actif de trajectoire, compatibilité cryogénique.
Soutenue par le Centre spatial de l’EPFL (eSpace), cette initiative étudiante interdisciplinaire bénéficie d’un encadrement scientifique, d’un accès aux infrastructures de développement du campus, ainsi que d’un réseau de partenaires industriels. « Je parle souvent de la Rocket Team à mes collègues. Ces étudiants sont une vraie source d’inspiration, car ils investissent des heures de travail bénévole dans leur passion commune pour l’espace », ajoute Markus Jäger, professeur en propulsion spatiale à l’EPFL et ingénieur chez Airbus.
Un dispositif formateur structuré
L’association réunit aujourd’hui environ 200 membres issus de neuf sections de l’EPFL et représentant 21 nationalités. Chaque année, une nouvelle équipe assure la continuité des projets, dans un modèle de transmission structuré à la fois sur les plans techniques et humains.
Antoine Truchot, directeur technique actuel, supervise la coordination entre générations, afin d’assurer la stabilité et l’évolutivité des solutions développées. Les anciens membres rejoignent ensuite des secteurs variés, dans l’industrie spatiale ou au-delà, forts de compétences en gestion de projet, en analyse de risque, en travail interdisciplinaire et en validation expérimentale. « Il y a eu des hauts et des bas, mais on a appris à chaque fois de nos erreurs. C’est une expérience mémorable que je souhaite au plus grand nombre », témoigne Lucas Pallez, ancien directeur technique.

Les membres de l’EPFL Rocket Team en 2024. © EPFL Rocket Team
Une initiation structurée dès la première année
Le projet SpaceRace, lancé en 2021, constitue la porte d’entrée à l’ingénierie spatiale pour les étudiants de première année. Organisé sur l’année académique, il associe modélisation, simulation de vol et fabrication de micro-fusées de 1,5 m. Ces engins visent une altitude de 400 m, avec un lancement collectif à la fin du second semestre de cette année. L’édition 2024 a permis le décollage de neuf fusées, avec un encadrement par des membres plus expérimentés.
Le projet EPFL Rocket Team a remporté le prix European Rocketry Challenge (EuRoC) en 2021, puis a été finaliste en 2022 dans la catégorie 9 km. Ces compétitions permettent la validation expérimentale de systèmes développés en interne, dans un cadre réglementé. En ce moment, un projet à plus long terme, nommé Firehorn, est en cours de réalisation.

L’intégralité des opérations, y compris la logistique et la sécurité, est assurée par les étudiants. © EPFL Rocket Team
Firehorn : la fusée bi-liquide suisse
La fusée bi-liquide Firehorn, propulsée à l’éthanol et à l’oxygène liquide, a été intégralement conçue par les étudiants. D’une longueur de 5,2 m pour un poids total de 75 kg, ce véhicule vise un premier vol à 9 km d’altitude en octobre 2025, avec un second objectif à 30 km l’année suivante.
« Nous avons été les premiers en Suisse à réussir le décollage d’une fusée à propulsion bi-liquide avec notre fusée Nordend, nous voulons réitérer l’expérience avec Firehorn, cette fois avec un vol à 9 km », déclare Jérémie Huser, président de l’association EPFL Rocket Team. « Son vol est programmé pour octobre 2025 et devrait atteindre une altitude de 9 km », précise Rayane Maalouf, vice-présidente.
Le projet Firehorn est développé sur trois ans, avec des phases de conception, de prototypage, de fabrication et de test. L’intégration complète du moteur, des algorithmes GNC et du système de récupération est en cours de validation. En ligne de mire, un vol à une altitude de 100 km, franchissant la ligne de Kármán – un seuil symbolique définissant la limite entre l'atmosphère terrestre et l’espace.
Une ambition collective
L’EPFL Rocket Team s’appuie sur le soutien de 37 sponsors académiques et industriels. Le projet est entièrement porté par des étudiants bénévoles, supervisés par l’eSpace et quelques enseignants-chercheurs. Chaque fusée développée s’inscrit dans un cycle de progression technique rigoureux, avec des rétroactions continues entre l’analyse, le test et la fabrication.
Au croisement de la formation, de la recherche appliquée et de l’ingénierie système, l’expérience Rocket Team s’affirme comme un modèle structurant pour la transition vers l’industrie spatiale.

Modélisation technique de la fusée Firehorn. © EPFL Rocket Team