Des abonnements
pour l'enrichissement
05 août 2019 | La Revue POLYTECHNIQUE 05/2019 | Physique

Les derniers résultats des Rencontres de Moriond

Lors des 66e Rencontres de Moriond, qui se sont déroulées à La Thuile, dans la vallée d’Aoste, des physiciens venus du monde entier ont présenté leurs derniers résultats. Un large éventail de sujets ont été abordés, allant des mesures du boson de Higgs, à des recherches de phénomènes rares ou exotiques, en passant par la chromodynamique quantique et les études sur la force nucléaire forte.
Lors de la conférence de Moriond, qui s’est déroulée du 16 au 23 mars derniers à La Thuile, en Italie, les collaborations ATLAS et CMS du CERN ont présenté de nouveaux résultats issues des collisions proton-proton enregistrées pendant la deuxième exploitation du Grand collisionneur de hadrons (LHC), de 2015 à 2018. Un grand nombre des analyses présentées ont bénéficié de techniques novatrices d’apprentissage automatique, utilisées pour isoler les données pertinentes des processus faisant partie du bruit de fond.

 

Un candidat Bs se désintégrant en un méson qui se désintége à son tour en deux muons de charges opposées (lignes rouges) et le méson en deux kaons de charges opposées (lignes bleu clair). L’événement a été enregistré le 16 août 2017 par ATLAS, dans le LHC, lors de collisions proton-proton à une énergie de 13 TeV. (Image: CERN)
 



Boson de Higgs: des avancées importantes
Depuis la découverte du boson de Higgs en 2012, les physiciens d’ATLAS et de CMS ont réalisé des avancées importantes dans la compréhension de ses propriétés, de la manière dont il se forme, ainsi que de ses interactions avec les autres particules connues. Grâce à la quantité de bosons de Higgs produits dans les collisions de la deuxième exploitation, les collaborations ont pu mesurer la plupart des principaux modes de production et de désintégration de cette particule, avec une signification statistique dépassant largement cinq écarts-types. En outre, de nombreuses recherches visant à repérer de nouveaux types de bosons de Higgs ont été présentées.
 
Chromodynamique quantique: de nouveaux résultats
Au programme des rencontres de Moriond figuraient également des résultats nouveaux concernant la chromodynamique quantique, la théorie de la force forte qui décrit comment les quarks sont maintenus ensemble dans les neutrons et les protons. Cette année, les résultats des grandes expériences du LHC (ALICE, ATLAS, CMS et LHCb) portaient notamment sur de nouveaux pentaquarks, sur de nouvelles particules Bc, sur une mesure plus précise de l’asymétrie matière-antimatière dans les particules Bs, ainsi que sur les collisions d’ions lourds.
 
Découverte de nouveaux pentaquarks
La collaboration LHCb a annoncé la découverte de nouveaux pentaquarks, des hadrons composés de cinq quarks. En général, les quarks s’assemblent par groupes de deux ou trois pour former les protons et les neutrons, mais la collaboration LHCb a confirmé l’existence de tétraquarks et de pentaquarks exotiques, prédits par la chromodynamique quantique.
 

Représentation d’un événement enregistré par CMS, montrant une particule candidate pour le Bc(2S*). La signature de cette nouvelle particule est la présence de deux pions (lignes vertes) et d’un méson Bc, qui se désintègre en un pion (ligne jaune) et en un méson, se désintégrant à son tour en deux muons (en rouge). (Image: CERN)
 
 

Les particules Bc sous la loupe
Malgré des avancées importantes ces vingt dernières années, notre compréhension des processus de chromodynamique quantique à l’origine de la formation des hadrons demeure incomplète. L’une des manières de tenter de mieux les comprendre consiste à étudier la famille peu connue des particules Bc, qui sont des hadrons composés d’une quark b et d’un antiquark c, ou vice-versa.
En 2014, sur la base de données issues de la première période d’exploitation proton-proton du LHC, la collaboration ATLAS annonçait avoir observé une particule Bcappelée Bc(2S). Dans sa récente analyse de l’ensemble des données recueillies lors de la deuxième période d’exploitation, la collaboration CMS a observé, sans ambiguïté possible, un schéma à deux pics qui correspond au Bc(2S) et à une autre particule Bc, appelée Bc*(2S).
 
Asymétrie matière-antimatière
Pendant la deuxième semaine de la conférence, un nouveau résultat a également été annoncé sur la valeur de l’asymétrie matière-antimatière – appelée violation de CP – dans le système des particules Bs. Celles-ci ont pour caractéristique d’osciller rapidement entre leur antiparticule et leur état initial; lorsqu’elles se désintègrent, ces oscillations peuvent entraîner des violations de CP.
La valeur de la violation de CP prédite par le Modèle standard et observée jusqu’ici dans les expériences est trop faible pour expliquer le déséquilibre constaté entre matière et antimatière dans l’Univers, ce qui pousse les scientifiques à chercher d’autres sources de violation de CP encore inconnues, et à mesurer plus précisément l’importance de cette violation issue de causes connues. Le résultat obtenu est la mesure la plus précise à ce jour de l’asymétrie dans le système Bs, et il est en accord avec la valeur prédite par le Modèle standard.
 
Des progrès du côté des ions lourds
La collaboration ALICE est spécialisée dans les collisions entre des ions lourds, tels que les noyaux de plomb, qui permettent de recréer le plasma quarks-gluons, un état de la matière qui aurait existé peu après le Big Bang.
ALICE a présenté son observation selon laquelle les baryons ΛLc – des particules contenant trois quarks – sont produits plus souvent lors des collisions proton-proton que lors des collisions électron-positon. La collaboration a également présenté une première mesure indiquant un taux de production de ces baryons plus important lors des collisions plomb-plomb. Ces observations indiquent que la présence de quarks dans les faisceaux entrant en collision influence le taux de production des hadrons, ce qui apporte de nouveaux éléments d’information sur les processus de chromodynamique quantique à l’origine de la formation des baryons.
La collaboration ALICE a également présenté des mesures de jets de particules dans les collisions plomb-plomb, qui permettent de sonder le plasma quarks-gluons à différentes échelles de longueur.
 
Le Modèle standard
Le Modèle standard de la physique des particules est une théorie d’une remarquable efficacité, qui décrit comment les particules élémentaires et les forces fondamentales déterminent les propriétés de l’Univers. Cette théorie est toutefois incomplète, car elle n’explique pas certains phénomènes, tels que la gravité, la matière noire ou l’énergie sombre. Les physiciens accueillent donc avec intérêt toute mesure présentant des incohérences avec le Modèle standard, car celles-ci peuvent fournir des indices sur de nouvelles particules et de nouvelles forces – en d’autres termes, sur une nouvelle physique.
 
 
CERN

1211 Genève
Tél. 022 767 84 84
www.cern.ch