15 janvier 2018 |
La Revue POLYTECHNIQUE 11/2017 |
Physique
Les ondes gravitationnelles: un nouvel instrument de recherche
La mesure d’un train d’ondes gravitationnelles a permis à une équipe internationale d’astronomes de découvrir une des origines possibles des sursauts gamma. Cette découverte apporte une confirmation supplémentaire à la théorie de la relativité générale d’Einstein.
En 2015, la communauté scientifique mesurait pour la première fois le passage d’ondes gravitationnelles, dont l’existence avait été prédite par Albert Einstein en 1915. Aujourd’hui, une équipe internationale d’astronomes, dont certains de l’Université de Genève (UNIGE), a mesuré simultanément un train d’ondes gravitationnelles et un sursaut gamma (un flash électromagnétique) provoqués par la collision de deux étoiles à neutrons. Cette observation confirme que la coalescence d’étoiles à neutrons génère des ondes gravitationnelles, mais aussi que certains sursauts gamma sont provoqués par de telles collisions. Ces résultats ont été obtenus à l’aide des interféromètres géants LIGO, aux Etats-Unis et VIRGO, en Italie, ainsi que par les satellites INTEGRAL de l’Agence spatiale européenne et Fermi, de la NASA. Ces résultats, publiés dans la revue Astrophysical Journal Letters, ouvrent de nouvelles perspectives de recherche en liant des observations d’ondes gravitationnelles et de rayonnement électromagnétique.
Le mystère de l’origine des rayons gamma
Jusqu’à aujourd’hui, les ondes gravitationnelles qui ont été observées à l’aide des interféromètres LIGO et VIRGO, étaient dues à la collision de deux trous noirs, des objets tellement denses qu’ils forment des singularités dans l’espace-temps. Cette fois-ci, le train d’ondes gravitationnelles détecté porte la signature d’une collision de deux étoiles à neutrons, à savoir les restes du cœur d’une étoile massive après son explosion sous forme de supernova.
«Une conjecture de longue date propose que de tels événements soient à l’origine d’une fraction des sursauts gamma, ces flash brillants de rayonnement électromagnétique énergétique qui durent une ou deux secondes et qui restent encore un mystère», explique Carlo Ferrigno, astrophysicien au Centre des données intégral (ISDC) de la Faculté des sciences de l’Université de Genève. «Il était nécessaire, pour vérifier cette hypothèse, de détecter simultanément les ondes gravitationnelles et un sursaut gamma provenant de la même région du ciel.»
Les satellites Fermi et INTEGRAL
Les satellites Fermi et INTEGRAL sont conçus, notamment, pour détecter les sursauts gamma. «Nous avions estimé qu’il nous faudrait étudier une centaine d‘événements en lien avec la détection d’ondes gravitationnelles produites par la coalescence des étoiles à neutrons, pour pouvoir détecter un sursaut gamma simultanément», ajoute Volodymyr Savchenko, également chercheur à l’ISDC. «À notre plus grande surprise, le premier essai a suffi.»
La collision de deux étoiles de neutrons
En effet, le 17 août 2017 à 14 h 41, LIGO a enregistré le passage d’un train d’ondes gravitationnelles. Deux secondes plus tard, c’est au tour du satellite Fermi de détecter un sursaut gamma. Immédiatement, les astronomes du monde entier sont alertés. «Nous nous sommes penchés sur les données d’INTEGRAL prises à cet instant et, bien que faible, le signal d’un sursaut gamma était présent», s’enthousiasme Carlo Ferrigno.
Les chercheurs ont ensuite découvert que ce double phénomène avait été provoqué par la collision et la fusion de deux étoiles à neutrons. Le choc a déclenché une onde gravitationnelle, accompagnée d’un flash lumineux gigantesque dans le domaine des rayons gamma, le tout suivi par une émission de lumière visible, mesurée par des télescopes au Chili.
Une confirmation supplémentaire de la théorie de la relativité générale
Cette découverte apporte une confirmation supplémentaire à la théorie de la relativité générale d’Einstein. De plus, nous connaissons désormais l’une des origines possibles des sursauts gamma. Enfin, l’astronomie s’est dotée d’un nouvel outil d’observation, les ondes gravitationnelles. Seules ou en conjonction avec des instruments mesurant la lumière, ces ondes ouvrent de nouvelles perspectives pour la recherche astronomique.
Carlo Ferrigno
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Carlo.Ferrigno@unige.ch
Thierry J.-L. Courvoisier
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