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13 juillet 2022 | La Revue POLYTECHNIQUE | Économie

L’industrie de la précision maintient le cap

Le brouillage des conditions économiques globales affecte le secteur secondaire sans bloquer pour l’heure son élan, selon le baromètre de la Chambre d’économie publique du Jura bernois (CEP). Si les effets d’une tendance inflationniste indéniable sont distinctement perceptibles sur la planification des résultats financiers des entreprises du domaine de la précision pour le troisième trimestre, le volume d’activité devrait cependant se maintenir à haut niveau dans cette période. Hétéroclite et encore partiellement déchiffrée en profondeur, la hausse généralisée des prix aggrave instantanément la profitabilité des entreprises. «  Les tentatives de décryptage de symptômes d’inflation dans l’industrie confirment avant tout l’émergence rapide d’une nouvelle source de pression sur les marges. L’activité industrielle, actuellement soutenue, s’avère ainsi moins rémunératrice, même si un mouvement répandu d’adaptation des prix - perçu comme une répercussion de la hausse des prix des fournisseurs - cherche à contenir les dommages » résume Patrick Linder, directeur de la CEP.

Anticipations pour le troisième trimestre 2022

Le niveau d’activité du secteur secondaire a connu une croissance soutenue depuis le milieu de l’année 2021, en dépit des perturbations liées à la pandémie de COVID-19. Renforcée durant le premier semestre 2022, l’intensité de fonctionnement du système de production inter-entreprises de la microtechnique suggère une pleine utilisation des capacités et semble avant tout limitée par l’accès aux compétences et au personnel qualifié. Depuis une année, le secteur industriel régional connaît donc une séquence favorable, même si elle n’est pas exempte de complications (perturbation des chaînes d’approvisionnement, pénuries, force du franc).

Dans ce contexte d’activité nourrie, les prévisions effectuées en matière d’entrées de commandes pour le troisième trimestre 2022 indiquent qu’un palier est peut-être atteint. Une stabilisation est en effet perceptible et l’expansion continue du volume d’affaires semble appelée à prendre fin prochainement. Les entreprises anticipent cependant un degré d’activité encore très élevé, estimé se fixer à la hauteur des derniers mois.

En revanche, les résultats opérationnels projetés ne sont pas en adéquation avec l’intensité de fonctionnement de l’industrie. Les prévisions dénotent une péjoration financière pour les prochains mois dans de nombreux cas et forcent une réflexion urgente au sujet de la profitabilité des entreprises. Dernièrement, la cherté de certaines matières, la pénurie de composants, ou des effets de change brutaux engendraient déjà un contexte peu propice en termes de profit. Il s’aggrave désormais fortement avec les mécaniques inflationnistes uniformément décelées dans le secteur secondaire. Ces dernières impactent directement et frontalement les marges.

« Les tentatives de compréhension des modalités de diffusion de l’inflammation des prix dans l’industrie se heurtent à la diversité des situations et aux spécificités des organisations productives. Toutefois un motif général transparaît avec une amorce en amont de la chaîne de production qui se répand vers l’aval. De nombreuses entreprises sont actuellement en train d’adapter leurs tarifs en réaction directe à la hausse des prix des matières, des composants ou même de la technologie mobilisée » synthétise Patrick Linder, directeur de la CEP. La propagation des hausses de prix dans les chaînes de valeurs relèverait donc d’abord d’éléments factuels mis en lumière durant la pandémie de COVID-19 (rupture des chaines d’approvisionnement, pénurie de composants, pénurie de matières) et dramatiquement aggravés par la guerre frappant l’Ukraine (matières premières et énergie). Ce phénomène diffus a gagné l’industrie de la précision et l’oblige à présent à revoir ses prix malgré des entrées de commandes importantes et un domaine d’application principal en pleine confiance (horlogerie). La pression se focalisant sur les salaires risque d’engendrer à terme une nouvelle répercussions sur les prix, entretenant un mécanisme d’aggravation de la hausse des prix.

Au plan de l’investissement, les tendances s’annoncent en lien avec le haut degré d’activité prévu et traduisent la dimension systémique de la microtechnique. Une forte progression est perceptible dans les plus petites entreprises qui semblent disposées à engager dans les prochains mois d’importants moyens pour des projets de développement, des adaptations de leur organisation productive ou des innovations de produits. Cet aspect détermine directement les capacités fondamentales d’innovation et conditionne à terme la compétitivité de la place industrielle suisse. « L’indicateur de niveau d’investissement est essentiel pour la compréhension des dynamiques industrielles dans la microtechnique car il rend perceptible le fonctionnement organique d’un système interdépendant de PME complémentaires et spécialisées » commente Patrick Linder. « Les prévisions actuelles en matière d’investissement traduisent la volonté des PME de rester dynamiques et innovantes malgré une contexte économique global délicat, mais elles démontrent aussi la vigueur d’ensemble de l’industrie microtechnique offrant des réponses de premier plan aux besoins de l’horlogerie, du médical, de l’automobile, de la microélectronique ou de la mécatronique. »

Finalement, les projections effectuées pour les 12 prochains mois révèlent un haut degré de confiance dans le secteur secondaire. En effet, la plupart des entreprises anticipe à moyen terme un maintien du niveau d’organisation et de déploiement, laissant postuler le caractère maîtrisable, à terme, de la hausse des prix des matières, des composants et des tarifs. Dans cette configuration complexe et déterminée par des paramètre globaux, le tissu industriel paraît disposer de leviers d’action pour prouver, une fois encore, sa résilience et sa grande plasticité.

Pour plus d’information :

Patrick Linder
Directeur
Chambre d'économie publique du Jura bernois (CEP)
patrick.linder@cep.ch

078/8198587