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27 octobre 2025 | La Revue POLYTECHNIQUE | Biologie

L’intelligence artificielle au service d’une nouvelle génération de médicaments

En s’appuyant sur une modélisation biomoléculaire avancée, la start-up Lemna Bio ambitionne de transformer le processus de découverte de médicaments. Issue de l’EPFL, elle vient de lever 150 000 francs auprès de Venture Kick pour valider sa technologie basée sur une intelligence artificielle guidée par la physique.

Lemna Bio, spin-off récente de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), s’inscrit dans une tendance de fond : celle de l’intégration croissante de l’intelligence artificielle dans les sciences de la vie. Mais à la différence des approches purement statistiques ou basées sur le machine learning classique, la jeune entreprise mise sur une IA dite « physics-driven » – une approche qui s’appuie sur les principes physiques fondamentaux pour modéliser les interactions entre biomolécules.

Cette technologie permet de représenter les systèmes biologiques du niveau atomique jusqu’aux réseaux cellulaires, avec une précision inédite. L’objectif : rendre la découverte de médicaments plus prédictive, plus explicable, et donc plus fiable, en intervenant très en amont du processus de développement.

Un diagnostic du secteur sans appel

Le développement d’un nouveau médicament prend aujourd’hui plus de dix ans, mobilise plusieurs milliards de francs, et échoue dans 90 % des cas à l’étape des essais cliniques. Dans nombre de situations, ces échecs s’expliquent par le choix de cibles biologiques inappropriées ou mal comprises. Lemna Bio se positionne précisément à ce niveau critique : en fournissant un outil d’analyse qui aide à identifier, dès les phases exploratoires, les mécanismes thérapeutiques les plus prometteurs.

En modélisant finement les interactions entre protéines, enzymes ou récepteurs et en les intégrant à des réseaux biologiques dynamiques, la plateforme développée par Lemna Bio pourrait aussi réduire le recours aux modèles animaux souvent mal prédictifs, tout en accélérant les phases de validation préclinique.

Une convergence entre recherche fondamentale et entrepreneuriat

Derrière Lemna Bio se trouvent Moustafa Houmani, entrepreneur expérimenté dans le secteur des biotechnologies, et Lucien Krapp, chercheur et ingénieur à l’origine du socle technologique. Ce dernier a développé la plateforme dans le cadre de ses travaux à l’EPFL, sous la direction du professeur Matteo Dal Peraro, spécialiste des modélisations biomoléculaires multi-échelles.

Le soutien de Venture Kick, à hauteur de 150 000 francs, permettra à la start-up de franchir une nouvelle étape : valider son approche en conditions industrielles et initier des collaborations avec des acteurs du secteur pharmaceutique. Plusieurs projets pilotes sont déjà envisagés pour tester l’outil sur des cibles thérapeutiques concrètes.

Vers une médecine plus rationnelle

En s’attaquant à la phase la plus incertaine du cycle de développement – la sélection des cibles biologiques – Lemna Bio s’inscrit dans une volonté plus large de rationaliser la R&D pharmaceutique. Une meilleure compréhension des mécanismes d’action au niveau moléculaire permettrait de concentrer les efforts de développement sur des thérapies réellement efficaces, tout en limitant les risques d’effets indésirables.

Cette orientation s’inscrit également dans les préoccupations actuelles autour de la transparence et de l’éthique en recherche biomédicale : à l’heure où les modèles d’IA sont parfois critiqués pour leur opacité, l’approche fondée sur les lois physiques offre une meilleure traçabilité des résultats et une plus grande robustesse scientifique.

Une dynamique prometteuse à suivre

Le projet Lemna Bio illustre le potentiel d’une convergence entre sciences fondamentales, technologies avancées et entrepreneuriat. À terme, sa technologie pourrait devenir un outil-clé pour les entreprises pharmaceutiques et biotechs cherchant à optimiser leurs pipelines de développement.

Dans un contexte où l’innovation en santé reste un enjeu mondial majeur, cette initiative confirme la capacité de la Suisse à soutenir des projets à haute valeur ajoutée scientifique, issus de son écosystème académique. Reste à voir si Lemna Bio saura transformer son prototype en solution de référence dans un secteur aussi exigeant que celui de la recherche thérapeutique.