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22 décembre 2017 | La Revue POLYTECHNIQUE | Usinage de surface

Mental Work: utiliser les ondes cérébrales pour commander une machine

Mental Work est une nouvelle exposition qui se tient à l’EPFL ArtLab jusqu’au 11 février 2018. Il s’agit d’une expérience publique de symbiose cognitive sous la forme d’une exposition entre art et science, qui questionne sur la relation entre humains et machines et incite à la réflexion.
D’un point de vue technique, la pensée est au cœur de l’exposition Mental Work. Les visiteurs peuvent faire l’expérience du contrôle de machines grâce à des interfaces cerveau-machine – ce qui demande passablement de concentration. Les données d’ondes cérébrales obtenues, rendues anonymes, seront mises à la disposition de la communauté scientifique dans le but d’améliorer les interfaces cognitives.
 
 
 
La relation entre humains et machines
L’exposition Mental Work questionne sur la relation entre humains et machines, ainsi que sur la manière dont cette relation va évoluer parallèlement aux avancées technologiques. Elle met en regard la révolution industrielle et la révolution cognitive imminente, dans laquelle l’humain et la machine sont en symbiose.
«Nous aimerions susciter un débat sociétal», souligne José Millán, neuro-ingénieur EPFL et co-fondateur du projet. «Cette révolution cognitive, qui va arriver, peut prendre différentes formes. Quelle est celle que les gens voudraient voir ? Quelle est la place des interfaces cerveau-machine, si elles en ont une, dans la future société cognitive vers laquelle nous allons ?», s’interroge le chercheur.
 
Une technologie qui déchiffre l’activité cérébrale
À l’EPFL, José Millán développe des interfaces cerveau-machine, principalement des systèmes robotiques qui exécutent les intentions d’un sujet. Ces systèmes exigent une technologie qui détecte et décode l’activité électrique du cerveau, de manière à déchiffrer la tâche souhaitée.
Les applications vont de l’assistance à des personnes handicapées possédant des capacités cognitives intactes, à l’amélioration de nos interactions quotidiennes avec les machines, ou simplement à empêcher nos capacités cognitives de décliner prématurément.
Déchiffrer les intentions d’un sujet sur la base de l’activité électrique du cerveau est possible grâce à la stimulation organisée de neurones dans le cerveau. Si la manière dont le cerveau traite l’information est loin d’être comprise, en revanche l’activité électrique peut être mesurée, de manière non invasive, en disposant des électrodes sur le crâne. Des pensées spécifiques provoquent différents schémas d’activité électrique, mais le signal est parasité. José Millán a développé des algorithmes qui font le tri dans ce parasitage, afin de détecter ces schémas. Cette technologie est présentée lors de l’exposition Mental Work.
 
 
 
Une expérience à grande échelle sur les interfaces cerveau-machine
«Mental Work est une exposition artistique où nous procéderons à une expérience à grande échelle sur les interfaces cerveau-machine, ce qui veut dire que les gens pourront contrôler des machines en modulant leurs ondes cérébrales», poursuit José Millán. «Toutes les données - rendues anonymes - que nous allons acquérir seront mises à la disposition de la communauté scientifique, de manière à faire progresser ce domaine par l’analyse des données d’ondes cérébrales».
Un casque de dernière génération, entièrement équipé d’électrodes, est fourni au visiteur de Mental Work. Celui-ci doit imaginer qu’il ferme ses deux mains – sans vraiment le faire – ou simplement relâcher ses deux mains. Un entraînement d’une durée estimée à quinze minutes est nécessaire pour que les algorithmes de l’EPFL détectent les deux schémas, mains fermées ou mains relâchées. Ces pensées peuvent alors être utilisées comme des commandes pour faire fonctionner une machine via un ordinateur.
 
Une usine de travail mental
Dans le cadre de Mental Work, les machines ressemblent à des roues de trains historiques revisités par la science-fiction, avec des éléments apparents et des parties mobiles, tous chromés à la perfection. Les machines ont été imaginées par l’artiste américain, expérimentateur philosophique et co-fondateur de Mental Work, Jonathon Keats, et réalisées par des techniciens spécialisés de l’atelier de l’Institut des matériaux ATMX de l’EPFL, en collaboration avec des partenaires industriels de la région lausannoise.
«La révolution industrielle a été une période dangereuse dans l’Histoire, pour le travailleur qui pouvait perdre une main à cause d’une inattention, par exemple», explique Jonathon Keats. «Aujourd’hui, nous nous trouvons dans la révolution cognitive et les enjeux sont potentiellement plus grands. Ce genre d’accident n’arrivera plus, parce que vous n’êtes plus en contact physique avec la machine, mais à la place, vous pourriez devenir fou», explique-t-il.
 
Produire du travail sous forme de pensée
Ce contraste entre révolutions industrielle et cognitive a donné naissance à l’exposition Mental Work, une «fabrique» dans laquelle le visiteur est un «ouvrier» qui produit du travail sous forme de pensée.
«Dans l’usine Mental Work, nous demandons aux ouvriers de venir gérer des machines en utilisant seulement la puissance de la pensée», déclare le co-fondateur et responsable des affaires commerciales de Mental Work, Michael Mitchell. «Lors de la révolution industrielle, la main de l’homme a été remplacée par la machine. Aujourd’hui, nous courrons le risque de voir le cerveau remplacé par des machines de plus en plus intelligentes. Nous voulons ramener l’homme et sa puissance cérébrale au centre de la technologie, et c’est pour cela que nous utilisons des interfaces cerveau-machine», ajoute-t-il.
 
Un laboratoire pour des expériences art-science
«La mission première d’ArtLab est d’être un laboratoire pour des expériences d’expositions», explique Luc Meier, responsable du contenu d’ArtLab EPFL. Dans ce sens, Mental Work est réellement une expérience art-science. Elle a été développée et conçue à l’EPFL en collaboration avec José Millán, Jonathon Keats et Michael Mitchell, ainsi qu’avec l’agence Paperboy basée à Lausanne.
L’exposition utilise la technologie cerveau-machine de l’EPFL, ainsi que des machines esthétiquement superbes, construites avec l’aide des ateliers de fabrication et des ingénieurs de l’école. Luc Meier ajoute que le projet a été rendu possible grâce à une collaboration avec la plate-forme des ateliers techniques de l’école d’ingénieurs, en particulier l’atelier ATMX, ainsi qu’avec un important réseau local de designers et de programmeurs. Le projet a été entièrement financé par l’EPFL, le Fonds national suisse et Swiss funds.
Pour visiter l’exposition, l’inscription est obligatoire sur le site: www.mentalwork.net.
 
 
José Millán
Tél. 079 845 52 70
jose.millan@epfl.ch
 
Jonathon Keats
jonathonkeats@gmail.com
 
Michael Mitchell
Tél. 079 810 31 07
michael@paperboy.ch
 
Luc Meier
luc.meier@epfl.ch
Tél. 021 693 20 62