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31 mars 2021 | La Revue POLYTECHNIQUE | Éditorial

Objectif Mars ! Et après ? (éditorial 3/2021)

Michel Giannoni

À quelques jours d’intervalle, ayant profité de la même fenêtre de tir en juillet dernier, trois missions ont rejoint la Planète rouge. L’orbiteur Al-Amal des Émirats arabes unis analyse l’atmosphère martienne depuis le 9 février, la sonde spatiale chinoise Tianwen-1 qui s’est mise en orbite, devrait larguer, d’ici à trois mois, un atterrisseur accompagné d’un véhicule et le 18 février, le rover Perseverance s’est posé sur un ancien lac, avec pour objectif de rechercher d’éventuelles traces de vie. Si tout se passe bien, pour la première fois dans l’histoire de l’astronautique, douze robots seront simultanément en activité sur Mars.

Pourquoi une telle ruée vers la Planète rouge, alors qu’il reste tant de problèmes à résoudre sur Terre ?

D’abord parce que la curiosité et l’esprit d’aventure sont dans la nature humaine. Pourquoi Homo erectus a-t-il quitté l’Afrique, il y a plus d’un million d’années, pour coloniser l’Europe ? Pourquoi, un siècle avant notre ère, Alexandre le Grand s’est-il aventuré jusqu’aux rives de l’Indus ? Pourquoi Marco Polo a-t-il parcouru tout l’Extrême-Orient et Christophe Colomb découvert l’Amérique ? Et enfin, pourquoi Neil Armstrong, Buzz Aldrin et dix autres astronautes ont-ils marché sur la Lune ?

Ensuite, parce que cet astre est une « bouée de sauvetage » qui pourrait permettre à l’humanité de survivre en cas de catastrophe planétaire – les dinosaures n’ont pas eu cette chance –, qu’elle soit naturelle ou provoquée par l’homme.

L’objectif ultime est donc clair : mettre le pied sur Mars. Mais les défis techniques, technologiques et physiologiques sont colossaux. D’abord, la durée du voyage : l’aller-retour et le séjour sur place dureront deux ans et demi, période pendant laquelle il faudra manger, boire, respirer, se soigner... sur une planète dont l’atmosphère est irrespirable, le sol toxique, l’eau sous forme de glace. On ignore encore comment le corps réagira à l’exposition prolongée à de hautes doses de rayons cosmiques, ainsi qu’à plus de 500 jours d’une gravité inférieure de 62 % à celle de la Terre.

Ensuite, les obstacles techniques : un véritable « train spatial » devra être mis sur orbite. Des robots devront préalablement construire une base pour accueillir les astronautes, faire pousser des plantes pour les alimenter, produire de l’oxygène. Afin de permettre le retour, il faudra disposer d’un lanceur et de dizaines de tonnes d’ergols pour vaincre l’attraction martienne. Quant au dernier obstacle, il est financier. Cette aventure exigera un budget colossal, de l’ordre de centaines de milliards de dollars.

Contrairement aux prévisions d’Elon Musk, mettre le pied sur Mars n’est donc pas pour demain, ni même pour après-demain. Peut-être pour la seconde moitié de ce siècle. À moins que le PDG de SpaceX, qui prévoyait un vol habité en 2024, n’envisage un voyage sans retour… Il a d’ailleurs souvent évoqué cette éventualité.