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Revue internationale de CRIMINOLOGIE et de POLICE technique et scientifique
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08 septembre 2025 | Revue internationale de CRIMINOLOGIE et de POLICE technique et scientifique 02/2025 | 1-Non classifié(e)

Parentalités incarcérées, enfances au parloir : la laborieuse entrée des droits de l’enfant dans les prisons suisses

Daniel Lambelet

Une recherche effectuée sur mandat de l’Office fédéral de la justice (Suisse) visant à établir un état des lieux de la prise en charge de la parentalité incarcérée, a débouché sur le constat que le maintien des liens enfants-parents détenus restait malaisé. Partant de là, cet article interroge les raisons pour lesquelles les dispositions de la Convention de l’ONU, relative aux droits de l’enfant, peinent à déployer pleinement leurs effets.

Il explore différentes pistes de compréhension : une situation de pluralisme normatif, des principes généraux qui sont difficiles à articuler avec les exigences de la pratique des professionnels de la détention pénale, la mise au premier plan d’impératifs de sécurité ou encore une représentation disqualifiante des dispositions parentales des auteurs de crimes ou de délits. En conclusion, l’auteur relève qu’une culture des droits de l’enfant reste pour une bonne part encore à cultiver au sein des prisons suisses.

Introduction

La place occupée par le droit en prison est désormais plus importante qu’elle ne l’était auparavant. Depuis une cinquantaine d’années, des droits plus étendus ont été reconnus aux personnes détenues, entre autres pour ce qui concerne les relations avec l’extérieur. Pourtant l’entrée du droit au sein de l’institution carcérale ne va pas de soi. C’est notamment le cas des droits de l’enfants. La Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant (CDE) conclue en 1989 a été ratifiée par la Suisse en 1997. Adossée à quatre principes fondamentaux : la non-discrimination, l’intérêt supérieur de l’enfant, le développement et l’expression. Elle amène à reconnaître l’enfant comme un sujet à part entière et définit les droits qui doivent lui être reconnus. Par exemple, le droit de l’enfant à « entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents », lorsque les parents sont séparés, mais aussi dans la situation où l’un de ses parents est incarcéré. La CDE institue également des mécanismes de contrôle qui prévoient que les États parties doivent rapporter régulièrement devant le Comité des droits de l’enfant à propos de la situation dans leur pays et de son évolution. Sur la base de ces rapports périodiques cet organe de surveillance formule alors des recommandations.

C’est dans ce contexte que le Comité des Nations unies a demandé à la Suisse de : « Recueillir des données et réaliser une étude sur la situation des enfants dont un parent est en détention, afin de favoriser le maintien de relations personnelles entre les enfants et leur parent, notamment par des visites régulières et la fourniture de services adéquats et d’un soutien approprié, et de veiller à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale dans toutes les décisions qui sont prises. ». Une étude a alors été mandatée, visant à établir un état des connaissances, un inventaire des pratiques actuelles au sein des établissements de détention et à explorer l’expérience des personnes concernées (enfants, parents, professionnels). Depuis lors, cette étude a été réalisée en 2022. Le Conseil fédéral en a pris connaissance et reconnu que si les conditions destinées à permettre le maintien d’un lien enfant-parent incarcéré s’étaient améliorées au fil du temps, la situation était encore loin d’être satisfaisante. Ce constat énoncé sur un mode fataliste ne manque pas de soulever la question suivante : si, comme le relèvent Droz-Sauthier et Zermatten, « le droit suisse contient les principes de base en matière de droits de l’enfant », qu’est-ce qui fait obstacle à ce que la normativité des droits de l’enfant s’inscrive pleinement dans les faits ?

De la même manière que Foucault, s’interrogeant sur les raisons pour lesquelles la remise en question du régime de l’emprisonnement s’avérait si difficile, avançait que « […] ce qui résiste, ce n’est pas la prison-sanction pénale, mais la prison avec toutes ses déterminations, liens et effets extra-judiciaires… », nous pensons que l’effectivité du droit à demeurer parent lorsqu’on est incarcéré vient achopper sur différents éléments : des cadres de 20 2 - 25 Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique

pensée, des représentations (de la parentalité, p.ex.), des notions (comme la dangerosité), une logique (disciplinaire), des techniques (évaluation du risque), des procédures (gestion de cas) ainsi que des pratiques de prise en charge. C’est à commencer à démêler l’écheveau de ces entraves que cet article est consacré.

Après avoir succinctement présenté la démarche suivie et les principaux résultats obtenus lors de l’enquête sur « La situation des enfants dont l’un des parents est détenu en Suisse », trois aspects serons successivement étudiés : l’appropriation des dispositions juridiques – à caractère général – de la CDE par les différents protagonistes (les justiciables, leurs proches, les professionnels) et les usages qui en sont faits dans des situations spécifiques ; le champ de tension existant entre les principes promus par la CDE et l’impératif de sécurité mis en avant dans le cadre des politiques pénales et pénitentiaires ; la mise sous surveillance du comportement des parents détenus, ainsi que de leurs proches, et les attributions de sens auxquelles elle donne lieu.

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Lien parental à travers les barreaux de prison.

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ONE . Article. « Appel aux bénévoles : accompagnement à la crèche des enfants en prison avec leur maman » 2019