Des piles à combustible légères qui rabattent le coût du kilowatt
Georges Pop
La jeune entreprise vaudoise EH Group Engineering, basée à Renens, annonce son intention de se lancer, dès l’année prochaine, dans la fabrication à grande échelle de piles à combustible bon marché et ultralégères, alimentées par de l’hydrogène. Cette PME affirme être en mesure, grâce à ses nouvelles piles, de ramener le prix du kilowatt de 1000 à 50 francs. Elle dispose de nombreux soutiens pour mener à bien son projet.

La PME vaudoise EH Group Engineering affirme être en mesure, grâce à ses nouvelles piles, de ramener le prix du kilowatt de 1000 à 50 francs. (© ehgroup)
Fondée en 2017 et forte, actuellement, de huit collaborateurs, bientôt neuf, l’entreprise vaudoise EH Group Engineering a développé une technologie innovante de piles à combustible qui permet, selon elle, d’exploiter la puissance de l’hydrogène de manière sûre et à coût réduit. Elle figure parmi les lauréats du Prix Vigier 2020, doté d’un montant 100’000 francs. Cette somme est venue s’ajouter à une subvention de 1,5 million d’euros attribuée par l’Union européenne, dans le cadre du programme Horizon 2020, ainsi qu’à une aide de 100’000 francs accordée par le Fonds pour l’innovation technologique du canton de Vaud. Forte de ce capital, elle annonce son intention de passer, dès 2021, à la production industrielle de son prototype de pile à combustible.
Un partenaire industriel encore mystérieux
« La production à grande échelle va très probablement démarrer à partir du second trimestre de l’année prochaine. La chaîne de production est pratiquement prête chez notre partenaire, en Suisse alémanique. Nous serons ainsi en mesure de produire chaque année quelques centaines de milliers de nos piles », indique l’ingénieur d’origine arménienne Mardit Matian, directeur de l’entreprise dont il est le co-fondateur avec l’expert en marché financier Christopher Brandon. Mais pas question de révéler le nom de son partenaire industriel : « Pour le moment, c’est encore confidentiel. Il vous suffit de savoir que notre partenaire est basé à Zurich et Saint-Gall et qu’il ne s’agit pas d’un spécialiste de l’électrotechnique », se contente-t-il de préciser.
Le procédé mis au point par Mardit Matian et son équipe n’a, à l’origine, rien de révolutionnaire. Il consiste à produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau, avant de le convertir en énergie électrique, grâce à une pile à combustible. L’intérêt de ce type de pile réside dans le fait qu’il n’a pas besoin, pour fonctionner, ni de cobalt, ni de nickel, dont l’achat est onéreux et l’usage écologiquement discutable. « Nous n’avons certainement pas réinventé la roue. Nous avons simplifié et amélioré des processus connus de longue date. Mais notre succès n’est pas le fruit du hasard. Personnellement, il y a vingt ans que je travaille sur ce projet. L’équipe a aussi joué un rôle très important. Notre souci premier était de réduire très sensiblement le coût de l’énergie ainsi produite », explique le directeur d’EH Group Engineering.
Un progrès, notamment pour les poids lourds
La jeune entreprise vaudoise cible notamment les secteur du chauffage domestique et des transports. « Nos piles ont des usages vraiment multiples, mais elles sont faites sur mesure pour les poids lourds, les bus et les autocars, par exemple, en raison de leur faible poids et de leur temps de rechargement quasi instantané. Elles offrent aussi une bien meilleure autonomie », souligne Mardit Matian. Selon les données fournies par l’entreprise, la recharge d’un poids lourd en électricité exige une bonne dizaine d’heures, alors que le plein d’hydrogène ne prend que quelques minutes. Par ailleurs, la nouvelle pile garantirait une autonomie deux fois supérieure à celle des dispositifs équipant les véhicules électriques actuels.

Le véhicule lunaire de l’ESA, actuellement en voie d’élaboration, sera peut-être doté d’une pile à combustible conçue par EH Group Engineering, capable de lui offrir une autonomie de quatorze jours. (© ESA)
Rouler dans la nuit lunaire
Les promesses des piles à combustible imaginées dans la banlieue lausannoise ont d’ores et déjà retenu l’attention de l’Agence spatiale européenne (ESA). « Depuis une année et pour une année encore, nous collaborons avec l’ESA sur un projet de pile destinée à un véhicule lunaire. Il s’agit de le doter d’une autonomie d’au moins quatorze jours, pour lui permettre de rouler pendant la nuit lunaire, lorsque les panneaux solaires sont inopérants », indique le cofondateur de la jeune entreprise vaudoise. Il ne cache d’ailleurs pas que les exigences de ses partenaires spatiaux sont élevées, voire « compliquées ». « Il nous faut travailler avec des matériaux différents, notamment des nouveaux plastiques. Imaginez que notre pile doit être en mesure de supporter des accélérations de 14 g. C’est un vrai défi », précise-t-il.
La collaboration avec l’ESA n’est pas forcément très rémunératrice, selon Mardit Matian. En revanche, elle offre à sa PME une visibilité et un crédit plus que précieux, dans la perspective de son développement futur.