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21 janvier 2018 | La Revue POLYTECHNIQUE 01/2018 | Énergie

Prototype d’une batterie plus performante et plus sûre

Des chercheurs de l’Empa et de l’Université de Genève ont mis au point un premier prototype de batterie solide qui devrait permettre de stocker davantage d’énergie. Basée sur le sodium, elle est une alternative bon marché aux batteries au lithium et – autre avantage – elle est ininflammable.
 
Téléphones et ordinateurs portables, voitures électriques, les batteries sont omniprésentes. Et pour répondre aux attentes des consommateurs, elles sont toujours plus légères, gagnant en puissance et en autonomie. Aujourd’hui, c’est la technologie lithium-ion qui est la plus utilisée dans le commerce. Mais elle a un coût élevé et les batteries actuelles sont inflammables.

Afin de répondre à la demande croissante des marchés émergents et proposer des batteries toujours plus performantes (recharge rapide, quantité d’énergie stockée et sécurité accrues), des chercheurs du Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (Empa) et de l’Université de Genève (UNIGE), ont mis au point un prototype de batterie dite «tout solide», qui devrait permettre de stocker davantage d’énergie, tout en gardant un haut niveau de sécurité et de fiabilité. De plus, basée sur le sodium, elle est une alternative bon marché aux batteries au lithium. Ces résultats sont à lire dans la revue Energy and Environmental Science.

La composition du prototype de batterie au sodium solide.
 
 
Les trois éléments d’une pile
Pour qu’une pile fonctionne, elle doit être constituée de trois éléments principaux: l’anode (le pôle négatif), la cathode (le pôle positif) et l’électrolyte. Dans nos appareils électroniques actuels, la majorité des batteries sont basées sur les ions lithium. Lorsque la batterie se recharge, ces ions quittent la cathode et se déposent à l’anode.
Pour éviter la formation de dendrites de lithium – sortes de microscopiques stalagmites pouvant provoquer des courts-circuits dans la batterie, avec un risque d’inflammation – les batteries du commerce utilisent du graphite comme anode, et non pas du lithium métallique, même si ce métal ultra léger permettrait d’augmenter la quantité d’énergie pouvant être stockée. La solution proposée par les chercheurs de l’Empa et de l’UNIGE permet d’utiliser une anode métallique en bloquant la formation de dendrites, et donc de stocker davantage d’énergie tout en garantissant la sécurité.
 
Une batterie ininflammable au sodium solide
«Mais il nous fallait encore trouver un conducteur ionique solide approprié, qui soit stable chimiquement et thermiquement, non toxique, et qui permette au sodium de se déplacer facilement entre l’anode et la cathode», explique Hans Hagemann, professeur au Département de chimie physique de la Faculté des sciences de l’UNIGE. Les chercheurs ont alors découvert qu’une substance à base de bore, le closoborane, permet non seulement une bonne circulation du courant, mais est également un conducteur inorganique, ôtant de ce fait tout risque d’inflammabilité de la batterie lors de la recharge.
«La difficulté consistait alors à établir un contact intime entre les trois couches de la batterie: l’anode, constituée de sodium métallique solide, la cathode, un oxyde mixte de sodium et de chrome trivalent, et l’électrolyte, le closoborane», ajoute Léo Duchêne, chercheur au Laboratoire des matériaux pour la conversion énergétique de l’Empa et doctorant au Département de chimie physique de la Faculté des sciences de l’UNIGE. Les chercheurs ont, pour ce faire, dissout une partie de l’électrolyte de la batterie dans un solvant, avant d’ajouter de la poudre d’oxyde de sodium et de chrome trivalent. Une fois le solvant évaporé, ils ont empilé cette poudre compacte avec l’électrolyte et l’anode et pressé les différentes couches pour constituer la batterie.
 
Des tests sont encore en cours
La batterie a ensuite été testée par les chercheurs de l’Empa et de l’UNIGE. «La stabilité électrochimique de l’électrolyte que nous employons ici supporte une tension de 3 V, alors que beaucoup d’électrolytes solides précédemment étudiés sont dégradés par un tel voltage», précise Arndt Remhof, chercheur à l’Empa, qui dirige ce projet soutenu par le Fond national suisse de la recherche scientifique (FNS) et le Centre suisse de la recherche pour le stockage de chaleur et d’électricité (SCCER-HaE).
Les scientifiques ont également testé la batterie sur un cycle de 250 recharges et 85 % de la capacité énergétique était encore fonctionnelle. Mais il faut 1200 cycles pour que la batterie soit commercialisable, précisent les chercheurs. De plus, il faut encore la tester à température ambiante, afin de confirmer que des dendrites ne se forment pas, tout en augmentant encore le voltage. Des expériences sont donc encore en cours.
 
 
Léo Duchêne
 
Tél. 058 765 60 94
leo.duchene@empa.ch
 
Didier Perret
Tél. 079 224 48 57
Didier.Perret@unige.ch
 
Arndt Remhof
Tél. 058 765 43 69
arndt.Remhof@empa.ch