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17 avril 2019 | La Revue POLYTECHNIQUE 02/2019 | Matériaux

Un matériau isolant en papier recyclé

Des scientifiques de l’Empa se sont associés avec la société isofloc AG pour développer un matériau isolant en papier recyclé. Particulièrement destiné à des éléments préfabriqués en bois et même à des maisons en bois de plusieurs étages, il protège la construction contre le feu. Qui plus est, l’additif qu’il contient est inoffensif pour l’homme, les animaux et l’environnement.
Franziska Grüneberger semble satisfaite; tenant dans sa main un cube fait de paillettes grises, la chercheuse du Laboratoire des matériaux de bois appliqués de l’Empa a atteint son but: très peu de chimie dans ce cube, mais beaucoup de compétences techniques. Ce petit objet est la preuve que des montagnes de vieux papiers peuvent être transformées en un matériau isolant précieux et ignifuge – un grand pas vers un monde sans combustibles fossiles. Il est difficile de deviner toutes ses propriétés en contemplant ce petit cube.

 
Le savoir-faire de l’Empa au service de l’industrie: Franziska Grüneberger et Willi Senn ont développé une nouvelle technique de liaison qui rend le matériau isolant isofloc plus résistant au feu qu’auparavant. (Image: Empa)
 
 

Des fibres de papier recyclé soufflées dans une cavité
Il est particulièrement remarquable que ce cube de fibre de papier recyclé ne s’effrite pas. Cette propriété est essentielle pour permettre une protection à long terme contre l’incendie pour les éléments porteurs des maisons en bois. C’est précisément cette résistance qu’il est difficile d’obtenir dans la production industrielle de couches isolantes.
«Il ne s’agit pas ici de matelas isolants que les ouvriers doivent découper à la taille et à la forme voulues et insérer dans les composants. Au contraire, les fibres de papier recyclé sont automatiquement soufflées dans une cavité, jusqu’à ce qu’elle soit complètement remplie», explique Franziska Grüneberger. «Dès qu’elles sont dans la cavité, les fibres doivent conserver leur forme pour protéger la construction en cas d’incendie. En fin de compte, l’isolant soufflé à la machine doit être dur et remplir la cavité comme un panneau isolant. Ce n’est qu’ainsi qu’il peut résister assez longtemps à la chaleur d’un incendie et empêcher que la construction ne brûle trop rapidement. Et ce n’est pas une mince affaire: nous avons dû chercher un liant convenant particulièrement aux fibres cellulosiques isofloc présentes sur le marché», ajoute la chercheuse.
 
À la recherche du liant parfait
Le projet développé en collaboration avec isofloc, un fabricant de matériaux isolants, a débuté au printemps 2017. Franziska Grüneberger et son collègue Thomas Geiger se sont mis à la recherche de liants appropriés, et ce ne fut facile. Tour d’abord, pour pouvoir être utilisé dans la construction en bois, le liant doit être non toxique, c’est-à-dire pouvoir entrer en contact avec l’homme sans causer de problème. Pour ce faire, les matériaux auxiliaires de l’industrie textile, papetière, cosmétique et alimentaire, ou encore des substances naturelles, sont de bons candidats. Ensuite, le liant doit être d’un coût abordable et disponible en abondance.
«Avec Willi Senn, un ingénieur de développement d’isofloc, nous avons lancé une série d’expériences et combiné les fibres isolantes avec différents additifs», se souvient Franziska Grüneberger. En parallèle, ils ont cherché le bon «pistolet» pour lier les fibres en un clin d’œil avant de les asperger. Chauffage à la vapeur? Rayonnement infrarouge? Induction magnétique? Enfin, ils ont trouvé le matériau tant convoité parmi une longue série de candidats: c’est une substance de l’industrie alimentaire. Des essais en laboratoire effectuées à l’Empa et chez isofloc à Bütschwil (SG) ont prouvé qu’il existe une liaison fiable dans la structure en flocons de cellulose lors d’un incendie.
 
Le cube fait d’un matériau isolant en papier recyclé. (Image: Empa)
 
 

Essai de mise à l’échelle et d’incendie
Mais cela fonctionne-t-il aussi à grande échelle? Un test en a fourni la preuve. Les paillettes ont été soufflées dans plusieurs cadres en bois, le long d’une cavité identique, avec des paillettes sans le nouvel additif, et montées selon la technique habituelle. Et c’est dans le laboratoire d’incendie de VKF ZIP AG à Berne, que les cadres en bois ont été exposés aux flammes à des températures de 800 à 1000 °C pendant une heure.
Le cadre en bois n’était pas censé brûler, pas plus qu’il ne devrait y avoir d’écailles rougeoyantes. Le nouveau matériau isolant a résisté à l’épreuve et a protégé la construction de manière fiable, tandis que les paillettes dépourvue d’additif sont tombées du cadre par manque d’adhérence.
Jon-Anton Schmidt, responsable des techniques d’application chez isofloc, en explique les avantages: «Le montage de l’isolant en vrac permet de gagner un temps considérable. Avec l’avantage supplémentaire de la stabilité dimensionnelle et de l’efficacité pour la sécurité incendie, nous pouvons obtenir une protection équivalente à celle des nattes de laine minérale collées. Ce qui présente un avantage écologique intéressant pour l’industrie de la construction.»
 
Développer des machines de soufflage
La dernière étape du développement chez isofloc est en cours. Les techniciens et ingénieurs en mécanique doivent développer une nouvelle génération de machines d’insufflation à partir des prototypes existants, répondant aux exigences de répétabilité et de contrôle de qualité. Le dosage du liant est ici crucial. Il doit être respecté et surveillée dans des tolérances étroites, à toutes les étapes de la production. D’après les estimations d’isofloc, la nouvelle isolation et les machines de soufflage correspondantes seront mises sur le marché d’ici environ un an.
 
Franziska Grüneberger
Empa, Cellulose & Wood Materials
Tél. 058 765 40 88
franziska.grueneberger@empa.ch
 
Thomas Geiger
Empa, Cellulose & Wood Materials
Tél. 058 765 47 23
thomas.geiger@empa.ch
 
Jon-Anton Schmidt
isofloc AG
Tél. +41 71 314 06 85
Jon.Schmidt@isofloc.swiss