08 juillet 2019 |
La Revue POLYTECHNIQUE 04/2019 |
Informatique
Un projet va exploiter les grandes bases de données du passé
La commission européenne a choisi le projet Time Machine parmi les six propositions retenues pour préparer des initiatives de recherche à grande échelle qui seront développées au cours de la prochaine décennie. Un financement d’un million d’euros a été octroyé pour préparer les feuilles de route détaillées de cette initiative, qui vise à extraire et utiliser les grandes bases de données du passé.
Le projet Time Machine prévoit de concevoir et de mettre en œuvre des technologies avancées de numérisation et d’intelligence artificielle afin d’exploiter le vaste héritage culturel de l’Europe en fournissant un accès équitable et gratuit à l’information, qui soutiendra les futurs développements scientifiques et technologiques en Europe.
Le contexte
Au début de l’année 2016, la Commission européenne a effectué une consultation publique de la communauté de recherche pour recueillir des idées sur les défis scientifiques et technologiques que les prochains projets phare du programme FET (Technologies futures et émergentes) pourraient relever. Fin 2016, M. Oettinger, membre de la Commission, a animé une table ronde avec les hauts représentants des États membres, du secteur industriel et du milieu académique. Ils se sont mis d’accord sur trois domaines majeurs où les projets phare du programme FET pourraient relever les défis de la science et de la technologie: «ICT et société connectée», «Santé et sciences de la vie», «Énergie, environnement et changement climatique».
Un appel à actions préparatoires pour les futures initiatives de recherche a donc été lancé en octobre 2017, dans le cadre des programmes Horizon 2020 et FET. Parmi les 33 propositions soumises, six ont été sélectionnées par des experts indépendants de très haut niveau, après une évaluation en deux étapes.Le projet Time Machine est l’une de ces six propositions.
Le projet Time Machine créera des technologies d’intelligence artificielle avancées afin exploiter la masse considérable d’informations issues de données historiques complexes. |
Un système d’intelligence artificielle des plus sophistiqués
Le projet Time Machine créera des technologies d’intelligence artificielle avancées afin de comprendre la masse considérable d’informations issues d’ensembles de données historiques complexes. Ceci permettra la transformation de données fragmentées – dont le contenu va de manuscrits médiévaux et d’objets historiques, au smartphone et aux images satellite –, en connaissances utilisables par l’industrie.
En résumé, une infrastructure informatique et de numérisation à grande échelle effectuera une cartographie exhaustive de l’évolution sociale, culturelle et géographique de l’Europe. Au vu de l’ampleur et de la complexité des données, l’intelligence artificielle du projet Time Machine pourra fournir à l’Europe un avantage compétitif dans la course mondiale à l’intelligence artificielle.
«Le projet Time Machine est susceptible de devenir l’un des systèmes d’intelligence artificielle les plus avancés jamais créé, exploitant les données d’horizons géographiques et temporels bien plus larges», explique Frédéric Kaplan, professeur en humanités numériques à l’EPFL et coordinateur du projet.
L’héritage culturel, une richesse économique
L’héritage culturel étant l’une des richesses les plus précieuses, le programme Time Machine de recherche et d’innovation sur dix ans souhaite montrer que l’investissement en faveur de l’héritage culturel, plutôt que d’être un coût, dynamisera l’économie dans tous les secteurs. La source inépuisable de nouvelles connaissances sera un moteur faisant naître de nouvelles professions, de nouveaux services et produits dans des domaines tels que l’éducation, les industries créatives, l’élaboration des politiques, le tourisme intelligent, la modélisation urbaine et environnementale intelligente.
Les services visant à comparer les configurations territoriales dans le temps et l’espace, par exemple, deviendront un outil clé pour développer des plans modernes d’aménagement urbain ou du territoire. De même, des professionnels capables de créer et de gérer des expériences, à l’intersection des mondes numérique et physique, transformeront l’industrie du tourisme. Ces secteurs disposeront d’une plate-forme paneuropéenne d’échange de savoir, qui ajoutera une nouvelle dimension à leur planification stratégique et à leur capacité d’innovation.

Le logo du projet Time Machine.
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Une nouvelle ère pour les sciences humaines et sociales
Le projet Time Machine va marquer une nouvelle ère pour les sciences humaines et sociales, en offrant un accès libre au passé de l’Europe via des données unifiées et de nouveaux services d’intelligence artificielle. Grâce au savoir qui en résultera, cette discipline pourra contribuer efficacement au développement de réponses stratégiques aux défis paneuropéens majeurs, tels que la croissance durable, l’aide sociale, la migration et l’intégration de migrants, ou encore la protection de la démocratie européenne.
Transformer l’enseignement
L’enseignement contribue de manière essentielle au bien-être social et économique en Europe et dans le monde. Dans ce contexte, le projet Time Machine aidera à le transformer, en créant un nouveau secteur dynamique produisant du matériel éducatif numérique basé sur d’importants ensembles de données. Les cours, matériels, simulations et autres expériences numériques favoriseront l’engagement actif à l’égard de notre héritage culturel et rendront la formation continue plus accessible et solidaire.
Une alliance unique et un réseau de villes
Le projet Time Machine défend une alliance unique d’importantes organisations académiques et de recherche en Europe, d’institutions d’héritage culturel et d’entreprises privées, qui sont parfaitement conscientes du potentiel énorme de la numérisation et des nouvelles voies très prometteuses pour la science, la technologie et l’innovation; nouvelles voies qui pourront être ouvertes grâce au système d’information qui sera développé en exploitant les grandes bases de données du passé.
Plus de 200 organisations issues de 33 pays
Outre les 33 principales institutions qui seront financées par la Commission européenne, plus de 200 organisations issues de 33 pays participent aux initiatives, dont sept bibliothèques nationales (Autriche, Belgique, Espagne, France, Israël, Pays-Bas, Suisse), 19 archives étatiques (Allemagne, Belgique, Bulgarie, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Hongrie, Lituanie, Malte, Norvège, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède et Suisse), de célèbres musées (Louvre, Rijkmuseum), 95 institutions académiques et de recherche, 30 entreprises européennes et 18 organes gouvernementaux.
Le projet Time Machine est aussi un réseau de villes toujours plus vaste. Le projet repose sur un modèle opérationnel de «franchise» regroupant des universitaires, des organisations d’héritage culturel, des organes gouvernementaux et de grands groupes de bénévoles autour de projets d’intégration spécifiques axés sur les villes. L’engagement de nombreux bénévoles – souvent des citoyens locaux – dans ces initiatives au niveau local constitue un autre élément clé garantissant la pérennité du projet.
Au niveau local, des projets Time Machine sont actuellement en phase de développement à Amsterdam, Anvers, Budapest, Bruges, Dresde, Gand, Jérusalem, Limbourg, Naples, Nuremberg, Paris, Ratisbonne, Utrecht, Venise, ainsi que dans d’autres villes encore. Ces douze prochains mois, le projet Time Machine devrait devenir une grande communauté de communautés se partageant une plate-forme standardisée, avec des outils rendant plus performant.
Lien
https://timemachine.eu/
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Kevin Baumer
Coordinateur CSA
kevin.baumer@epfl.ch