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05 mars 2018 | La Revue POLYTECHNIQUE 01/2018 | Électronique

Un transistor à base de nanorubans de graphène

Les transistors à base de nanostructures de carbone, qui semblaient il y a peu relever de la science-fiction, sont en passe de devenir une réalité plus tôt que prévu. En effet, une équipe internationale de chercheurs est parvenue, pour la première fois, avec le concours de l’Empa, à produire des nanotransistors sur des nanorubans de graphène d’une largeur de quelques atomes, seulement.
Les propriétés électriques particulières des nanorubans de graphène (NRG), dont la largeur dépasse à peine une poignée d’atomes, pourraient en faire des candidats particulièrement prisés pour la nanoélectronique du futur. En effet, si le graphène, constitué d’une seule couche d’atomes de carbone en forme de nid d’abeille, est un excellent conducteur, il peut également être configuré sous forme de semi-conducteur en nanorubans. La «bande interdite», autrement dit la zone dans laquelle aucun électron ne peut se trouver et qui confère à ce matériau ses propriétés semi-conductrices pour fonctionner comme un commutateur électronique, serait suffisamment large pour en faire un élément central des nanotransistors.

 
Les bandelettes microscopiques sont disposées en croisillons sur le substrat à base d’or.
 



Des zigzags conducteurs, des chaises semi-conductrices
Les infimes détails qui composent la structure atomique de ces nanorubans de graphène ont cependant un effet de masse sur la largeur de la bande interdite et, par conséquent, sur les performances des nanorubans en tant que composants des transistors. Les caractéristiques de la bande interdite dépendent, d’une part, de leur largeur, d’autre part de la structure de leurs bords. Étant donné que le graphène est constitué d’hexagones de carbone de géométrie équilatérale, la bordure peut être exposée en forme de zigzag ou de chaise, suivant l’orientation des rubans. Alors qu’une bordure en zigzag constituée de métal est par définition conductrice, elle devient en revanche semi-conductrice lorsqu’elle adopte la forme en chaise.
Il en résulte un défi de taille en matière de production de nanorubans: lorsque la couche de graphène est découpée ou composée par sectionnement de nanotubes de carbone, il peut arriver que les bords présentent des irrégularités, et donc que les propriétés électriques souhaitées ne soient pas atteintes.
 
Les molécules vaporisées en milieu ultravide sont assemblées à la surface d’une base en or.
 



Des semi-conducteurs composés de neuf atomes
Les chercheurs de l’Empa, en collaboration avec leurs collègues de l’Institut Max-Planck de recherche sur les polymères de Mayence, ainsi que de l’Université de Californie à Berkeley, sont parvenus à faire croître des rubans à partir de molécules précurseurs d’une largeur de neuf atomes, en les dotant d’une bordure régulière en forme de chaise. Pour ce faire, les molécules spécialement conçues ont été vaporisées en milieu ultravide. Comme les pièces d’un puzzle, elles ont été assemblées au terme d’un procédé en plusieurs étapes, à la surface d’une base en or, jusqu’à adopter la forme de ruban souhaitée, sur environ 1 nm de large et jusqu’à 50 nm de long.
Ces structures, visibles seulement sous microscope à effet tunnel, présentent une lacune énergétique relativement élevée et, surtout, désormais définie de manière beaucoup plus précise, ce qui permet aux chercheurs d’envisager d’aller un peu plus loin et d’intégrer les rubans de graphène dans des nanotransistors. La première phase d’essai s’était révélée peu fructueuse.
La différence mesurée entre le flux de courant à l’état «allumé» (c’est-à-dire avec la tension appliquée) et à l’état «éteint» (sans tension appliquée) était en effet beaucoup trop faible. Ce problème était dû à la couche diélectrique d’oxyde de silicium qui place les épaisseurs semi-conductrices au contact du commutateur électrique. Pour présenter les propriétés souhaitées, ces couches devaient être d’une épaisseur suffisante, de l’ordre de 50 nm, ce qui influait alors sur le comportement des électrons.
 
Gabriela Borin Barin, chercheuse à l’Empa, diffuse des molécules préparées sous vide poussé, pour faire croître les nanorubans de graphène.
 

L’oxyde de hafnium remplace l’oxyde de silicium
Par la suite, les scientifiques ont réussi à réduire massivement la couche de matériau diélectrique en remplaçant l’oxyde de silicium (SiO2) par de l’oxyde de hafnium (HfO2). Dès lors, l’épaisseur obtenue a été réduite à 1,5 nm à peine, tandis que le courant à l’état «allumé» du transistor a été augmenté de plusieurs puissances de 10.
La «construction» des nanorubans de graphène dans le transistor a été un autre problème initialement rencontré. Dorénavant, les rubans ne devraient plus être disposés en croisillons sur le substrat, mais alignés à la perpendiculaire du canal du transistor, ce qui permettra de réduire sensiblement la proportion de nanotransistors non fonctionnels.
 
Bibliographie
J. P. Llinas, A. Fairbrother, G. Borin Barin, W. Shi, K Lee, S. Wu, B. Yong Choi, R. Braganza, J. Lear, N. Kau, W. Choi, CChen, Z. Pedramrazi, T. Dumslaff, A. Narita, X. Feng, K. Müllen, F. Fischer, A. Zettl, P. Ruffieux, E. Yablonovitch, M. Crommie, R. Fasel, J. Bokor; Short-channel field-effect transistors with 9-atom and 13-atom wide graphene nanoribbons; Nature Communications (2017); doi:10.1038/s41467-017-00734-x
 
Gabriela Borin Barin
nanotech@surfaces laboratory
Tél. 058 765 61 23
Gabriela.Borin-Barin@empa.ch