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18 août 2014 | La Revue POLYTECHNIQUE 05/2014 | Espace

Une mission de l’Empa dans l‘espace

En mars 2014, la sonde spatiale «Rosetta» a commencé à analyser et observer, dans l’espace, le noyau et l’environnement de la comète «67P/Churyumov-Gerasimenko». Elle a à son bord des capteurs métal-céramique très complexes de l’Empa, intégrés à deux spectromètres de masse. Ces systèmes ont été spécialement conçus pour la mission, afin de mesurer les particules de gaz présentes dans l’environnement de la comète.

Les comètes restent encore largement méconnues et gardent toujours bien des secrets. D’après certains scientifiques, ce seraient elles qui auraient apporté de l’eau - et donc la vie - sur Terre. Les sondes spatiales ont certes déjà pu mener des recherches de manière isolée mais seulement lorsqu’elles voyagent à proximité des comètes.
 
Fig. 1. La sonde spatiale «Rosetta» a commencé à analyser et observer le noyau et l’environnement de la comète «67P/Churyumov-Gerasimenko».
 

Atterrir sur une comète
L’Agence spatiale européenne (ESA) a mis au point la sonde spatiale «Rosetta», en collaboration avec plusieurs institutions européennes. Cette sonde ne doit plus se limiter, dans un premier temps, à collecter des mesures, mais plutôt accompagner la comète, voire se poser directement sur celle-ci. Différents appareils embarqués ont pour tâche de mesurer, cartographier et analyser, pendant deux ans, la comète ainsi que les gaz et les molécules de son environnement. Même l’intérieur de «67P/Churyumov-Gerasimenko» devrait dévoiler ses secrets. Un système d’atterrissage spécifique doit permettre d’effectuer un atterrissage sur la comète, afin d’analyser sa constitution et son noyau. 

 
Fig. 2. Le spectromètre de masse DFMS ROSINA de la sonde spatiale Rosetta est destiné à l’analyse des ions et des particules neutres.
 

Un spectromètre mis au point à l’Université de Berne 

Différents instituts participent au projet«Rosetta», dont l’Université de Berne, chargée du développement de ROSINA, le spectromètre de la sonde spatiale Rosetta destiné à l’analyse des ions et des particules neutres. Ce groupe d’instruments se compose de deux spectromètres de masse et d’un capteur de pression. Outre sa légèreté, ce système devra également résister aux conditions extrêmes qui règnent dans l’espace.
Après sa rencontre avec la comète, ROSINA devra analyser les ions et les particules neutres dans la très mince atmosphère et dans l’ionosphère de «67P/Churyumov-Gerasimenko». Le spectromètre de masse DFMS («Double Focusing Mass Spectrometer») dispose de deux modes de fonctionnement différents: un mode en phase gazeuse pour mesurer les particules neutres et un mode ionique, permettant d’analyser les microparticules ionisées. Le spectromètre de masse à temps de vol RTOF («Reflectron Time of Flight») complète le DFMS en augmentant la sensibilité de l’ensemble de l’instrument.
L’analyse des masses est effectuée selon une technique dite «Time-Of-Flight», qui permet de combiner une résolution de masses très élevée et une résolution temporelle. Ce système est en mesure de prendre des instantanés sur l’ensemble de la gamme des masses comprises entre 1 et 1000 amu (unité de masse des atomes unifiée).


 
Fig. 3. Le zoom optique du spectromètre de masse DFMS ROSINA.
 

Le développement de plusieurs procédés

Les modules optiques ioniques équipant les deux spectromètres de masse ont été conçus et mis au point par une équipe placée sous la responsabilité de l‘ingénieur de l’Empa Hans Rudolf Elsener. L’un des importants défis consistait à appliquer les attentes et les exigences de l’astrophysicien à un produit à usage spatial multifonctionnel, capable de répondre au cahier des charges le plus strict: le système devait en effet être ultraléger, mécaniquement robuste, résistant aux tensions élevées et d’une grande précision.
Outre les adaptations de conception, Hans Rudolf Elsener a mis au point plusieurs procédés permettant de combiner des matériaux inhabituels, comme les métaux et céramiques. Plutôt que d’être vissées les unes aux autres, les pièces ont été soudées par traitement thermique. Pour ce faire, différents revêtements ont dû être préalablement testés. Les pièces à ajouter étaient disponibles à l’état fixe, la refusion n’intervenant que pour la matière à souder, afin de réagir avec le revêtement ou le matériau de base. 

Les méthodes et technologies mises au point par l’Empa ont connu un tel succès, que d’autres projets spatiaux ont vu le jour. À l’heure actuelle, Hans Rudolf Elsener développe, avec son équipe, pour la mission lunaire «Luna» impliquant la Russie et l’Inde, un nouveau capteur optique d’ions pour un spectromètre de masse encore plus petit et plus léger. Les ingénieurs de l’Empa ont, par ailleurs, fabriqué récemment des modules et capteurs hautement complexes destinés à la mission «BepiColombo» sur la planète Mercure, regroupant des Européens et des Japonais. 


 
Fig. 4. Le spectromètre de masse à temps de vol RTOF complète le DFMS en augmentant la sensibilité de l’ensemble de l’instrument.

 

Les appareils fonctionnent 

Même si la sonde ne rencontrera la comète qu’au mois d’août, les premières mesures ont déjà pu être réalisées. Pendant le vol vers «67P/Churyumov-Gerasimenko», les spectromètres de masse analysent les gaz d’échappement de Rosetta et les composants du gaz d’étalonnage. Les essais menés récemment sur les appareils ont été couronnés de succès. La manœuvre en vol prévue pour le mois de mai devrait, malgré tout, être délicate. Si la sonde ne parvient pas à suivre l’orbite de la comète, elle dérivera trop loin pour s’y accrocher et la rencontrer. Mais dès que Rosetta parviendra à rejoindre son orbite, les vraies mesures pourront commencer, afin de nous en apprendre davantage sur cette comète.
L’Empa est l’institut de recherche interdisciplinaire du Domaine des EPF pour la science des matériaux et la technologie. En tant que pont entre la recherche et ses applications pratiques, il développe des solutions pour les défis majeurs de l’industrie et de la société.
 
Empa
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