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09 janvier 2025 | La Revue POLYTECHNIQUE | Énergie & Environnement

Valorisation du bois par bioluminescence

Depuis que de plus en plus de feuillus sont plantés dans les forêts suisses, dont le bois est jusqu’à présent souvent directement brûlé, les idées innovantes sont plus demandées que jamais afin d’exploiter la ressource de bois de feuillus de manière durable. Les chercheurs de l’Empa dotent donc le bois de nouvelles fonctionnalités. Leur dernière trouvaille : un bois qui peut briller.

Des échantillons de bois traités avec le champignon de l'armillaire Desarmillaria tabescens brillent en vert dans l'obscurité. Image : Empa

Pour faire face au changement climatique et au bostryche, on plante de plus en plus de feuillus dans les forêts suisses. Leur bois devrait être utilisé si possible plusieurs fois (et longtemps) avant de finir comme bois de chauffage et de libérer à nouveau dans l'atmosphère le CO2 stocké. Actuellement, le bois de feuillus produit est toutefois encore trop souvent utilisé directement à des fins énergétiques. Des idées innovantes pour une utilisation en cascade plus durable sont donc nécessaires. L'une des possibilités est de doter le matériau naturel de nouvelles propriétés - en termes techniques, de fonctionnalités - et de le transformer par exemple en bois magnétique, imperméable ou générateur d'électricité.

Actuellement, l'équipe du chercheur en mycologie Francis Schwarze du laboratoire « Cellulose & Wood Materials » de l'Empa à Saint-Gall poursuit une autre idée pour un nouveau matériau composite à base de bois de feuillus : le bois lumineux. Outre des applications dans le domaine technique, le bois lumineux pourrait être transformé en meubles design ou en bijoux.

Des matériaux vivants enchevêtrés

Ce succès est dû à un parasite : le champignon de l'armillaire est un agent pathogène de la pourriture blanche des arbres et donc en fait un parasite du bois. Certaines espèces produisent une substance naturelle, la luciférine, dont la luminescence est stimulée par un processus enzymatique en deux étapes. Le bois traversé par des filaments de champignons émet donc une lumière verte.

« Le bois naturellement lumineux a été décrit pour la première fois il y a environ 2400 ans par le philosophe grec Aristote », explique Francis Schwarze. Pour être plus précis, la structure entrelacée de champignon et de bois peut être qualifiée de biohybride naturel, une combinaison de matériaux vivants. « Créés artificiellement, de tels matériaux composites seraient intéressants pour de nombreux types d'applications », explique le chercheur de l'Empa. Mais ce que la nature semble réussir sans peine était jusqu'à présent un (trop) grand défi pour la biotechnologie. L'équipe de l'Empa a maintenant réussi pour la première fois à induire et à contrôler le processus en laboratoire dans des conditions contrôlées.

De la nature au laboratoire

Le biotechnologue Francis Schwarze a déniché les champignons lumineux dans la nature, les a analysés en laboratoire et a déchiffré leur code génétique. L'armillaire sans anneau (Desarmillaria tabescens) s'est révélé particulièrement performant. Après des essais préliminaires avec différentes essences de bois, Francis Schwarze a commencé avec du bois de balsa (Ochroma pyramidale), un bois à la densité particulièrement faible. Grâce à la spectroscopie, les chercheurs ont observé comment le champignon dégrade la lignine dans les échantillons de balsa, responsable de la rigidité et de la résistance à la pression. Les analyses de diffraction des rayons X ont montré que la stabilité du bois ne disparaissait pas pour autant : la cellulose, qui assure la résistance à la traction dans le bois, est restée intacte.

Préférence pour les milieux humides

Le biohybride de champignon et de bois déploie sa luminosité maximale après avoir été placé pendant trois mois dans un incubateur. Desarmillaria tabescens aime particulièrement l'humidité : Les échantillons de bois de balsa ont absorbé huit fois leur poids en humidité pendant cette période. Au contact de l'air, la réaction enzymatique commence enfin dans le bois.

La lueur déploie toute sa splendeur après dix heures, une lumière verte d'une longueur d'onde de 560 nanomètres étant émise, comme l'a déterminé la chercheuse de l'Empa Giorgia Giovannini du laboratoire « Biomimetic Membranes and Textiles » lors d'analyses par spectroscopie de fluorescence. Actuellement, ce processus fascinant dure environ 10 jours « Nous optimisons maintenant les paramètres de laboratoire afin d'augmenter encore la luminosité à l'avenir », explique le chercheur de l'Empa.

La bioluminescence naturelle

Dans la nature, la bioluminescence est présente chez les organismes les plus divers. La lumière est produite grâce à des processus chimiques qui dégagent de l'énergie sous forme de lumière et de chaleur. Si l'on compare les réactions produisant de la lumière dans la nature sur la base de leur rendement quantique, la luciole l'emporte avec une valeur de 40 %, les méduses lumineuses avec 17 % et les champignons lumineux avec 2 %.

 

Source : Empa, Andrea Six